Maurice Goldring : témoignages à sa mémoire

La SOFEIR a la grande tristesse d’annoncer le décès de Maurice Goldring, Professeur honoraire à l’Université Paris 8 de civilisation irlandaise et britannique.

Auteur de nombreux ouvrages de référence sur l’Irlande,  ( Dublin 1904-1924. Réveil culturel, révolte sociale, révolution politique, un patrimoine déchiré (dir.), Autrement, 1991, Gens de Belfast : deux peuples sans frontières, L’Harmattan, 1994, Désirs de paix, relents de guerre : Afrique du Sud, Proche Orient, Irlande du Nord (coll.), Desclée de Brouwer, 1996, Sean, soldat de l’IRA, Autrement, 1999, Voie royale, voie républicaine, Syllepse, 2000, Le trèfle et l’étoile. Juifs irlandais, histoires parallèles, mémoires croisées (coll.), Autrement, 2001, Neige sur Galway, Terre de Brume, 2001, etc), Maurice était aussi un homme engagé, en particulier  au Parti Communiste dont il avait été exclu en 1981 (voir « Les ex-communiste. Éloge de l’infidélité », Le Bord de l’eau, 2004). Pour les membres de la SOFEIR il représentait l’un des plus grands spécialistes de l’histoire et de la politique irlandaises, qui avait connu de près les événements dramatiques des Troubles en Irlande du Nord et posait toujours un regard aigu et original sur les faits, en particulier sur le mouvement républicain. Ses intérêts n’étaient pas limités à l’Irlande et il a souvent comparé le conflit irlandais à d’autres conflits dans le monde, conflit palestinien ou au Pays Basque. Contributeur régulier à la revue Études Irlandaises, les nterventions de Maurice dans les colloques de la SOFEIR étaient suivies avec le plus grand intérêt par tous, qui étions certains d’y trouver matière à réflexion et une remise en cause salutaire des idées reçues.

La SOFEIR exprime à la famille de Maurice, à ses proches et à tous ses amis ses plus sincères condoléances.

SYLVIE MIKOWSKI Professeur, Présidente de la SOFEIR (Société Française d’Études Irlandaises)

Présidente du Comité Directeur du GIS E.I.R.E. « Études Irlandaises, Enjeux et Réseaux »

J’étais attristé d’apprendre le décès de Maurice Goldring. Il y a trente ans, il a accepté de diriger ma thèse sur les grèves des fonctionnaires au Royaume-Uni sous Thatcher. Pas tout à fait un directeur de thèse ordinaire, il me recevait presque tous les mercredis chez lui pour une discussion sur la thèse, et un verre de whisky, parfois supplémenté d’un débat politique vif. Puis on sortait au tabac du coin où il achetait un cigarillo (une seule à la fois car il voulait réduire). Il m’a beaucoup aidé, en prenant énormément de temps, bien plus que ce que je consacre maintenant à mes doctorant e s ! Lorsque mon père (ouvrier catholique anglais) est décédé, en 2000, sa première réaction était de me dire que je devrais écrite un livre sur lui. C’est dire que les gens ordinaires étaient importants pour Maurice. Les différends politiques n’ont pas manqué, au cours des années, mais il est triste de voir partir un intellectuel original et chaleureux.

John Mullen

La Présidente de la Sofeir, Sylvie Mikowski, a très bien dit  comment Maurice Goldring a contribué au rayonnement des études irlandaises par des publications d¹une qualité exceptionnelle.  J¹ai travaillé à ses côtés pendant des années, pour la SOFEIR et pour la revue Etudes Irlandaises. Je garde le souvenir de discussions fructueuses, souvent passionnées, où

Maurice détestait la facilité et l¹à-peu-près : un esprit juste, un universitaire distingué, à l¹écoute et exigeant. Il savait que nous vivons dans un monde incertain, et écrivait sans amertume, avec sagesse : « It is better to share illusions than to destroy them. »

C¹était un ami chaleureux, son décès m’attriste beaucoup, heureusement je le retrouverai dans ses livres.

Claude FIEROBE, Prof. Hon. Université de Reims Champagne Ardenne, Ancien Président de la SOFEIR

Avec Maurice Goldring nous perdons la dernière figure du carré central des séminaires de Saint-Denis dits du ‘samedi matin’ (qui duraient souvent jusqu’à 17h voir au-delà, après un déjeuner très tardif au restaurant ‘La Barrière’) . Voilà donc qu’après Colette Bernas, François Poirier, Martine Spensky, c’est Maurice qui nous quitte. Au nom de tous ceux qui ont fréquenté ces séminaires dans les années 1970 à 1990, je voudrais saluer l’immense impact que ces quatre collègues ont eu sur les études de civilisation britannique et irlandaise. Si l’on compte le nombre de séminaires, de communications, d’articles, de conférences, de livres, de cours à tous les niveaux et de thèses encadrées, le nombre d’étudiants devenus par la suite des collègues qui ont à leur tour exercé, par ces temps difficiles cela fait un bel hommage à notre profession/vocation d’enseignants-chercheurs.

Pas de nostalgie, mais l’espoir que leur exemple servira à renforcer notre détermination à maintenir un enseignement supérieur de qualité dans toute sa diversité.

Des débats très animés, une convivialité exceptionnelle, cela faisait/fait aussi partie du ‘métier’.

Richard Sibley (retraité; autrefois CRECIB, Orléans, Paris XIII Villetaneuse).

Merci à Richard Sibley. Comme lui, je faisais partie de la petite équipe du samedi matin à Paris 8, séminaire convivial, lieu d’échange formateur et stimulant, qui se tenait dans les locaux de Saint-Denis et continuait à “La Barrière”. Comme lui, je voudrais rendre hommage à Maurice Goldring, et aux autres collègues et amis depuis disparus, dont, très récemment, Martine Spensky. Maurice a été celui qui m’a encouragé à préparer une HDR. Il a été mon garant. Je lui dois beaucoup.  C’était un homme d’une grande curiosité et vivacité intellectuelles, d’une très grande culture politique, un militant qui voulait construire une alternative à gauche, un écrivain aussi qui avait “une plume”. Souvent, je cite ses travaux sur la fabrication de la “race irlandaise” au XIXe siècle, brillante démonstration de l’historicité de ce concept.

Mes pensées vont à sa compagne, Brigitte, et à toutes celles et tous ceux que sa disparition va peiner.

Michel Prum

Richard Sibley a raison d’associer ces quatre figures : Colette Barnas, Martine Spensky, François Poirier, Maurice Goldring.

J’ai pu entendre trois d’entre elles animer ce séminaire en 1993. Colette Bernas, qui a beaucoup influencé le travail de la section de civilisation britannique à Nanterre, n’était plus là, depuis quelques années.

Merci à Sylvie Mikowskide son évocation très juste.

J’ose espérer que la capacité de voir des affinités entre le destin des juifs et des Irlandais, au cœur de son livre, /Le trèfle et l’étoile. Juifs irlandais, histoires parallèles, mémoires croisées/, ne se perde pas. Pas davantage que la capacité de Maurice Goldring d’interroger la question irlandaise par ses différentes perspectives.

Un tel « comparatisme »a été pratiqué par Joyce dans /Ulysses. « Jewgreek is greekjew ». /C’est l’étonnant point de mire qu’il a réussi à trouver, en se saisissant d’un propos de haut vol spéculatif de Victor Bérard, pour composer son personnage de Leopold Bloom. Ce geste de Joyce a été une émancipation  de la « question irlandaise »: on peut ainsi élargir  et ouvrir « la question irlandaise » …. ou on peut choisir de laisser de côté ou laisser tomber « la question irlandaise ». Pour prendre l’air et s’ouvrir à d’autres facettes d’un destin commun des humains: contre l’enfermement identitaire, la possibilité de « laisser tomber », s’ouvrir à d’autres dimensions de ce monde.

Sans le geste libérateur de Joyce, il me semble que les « Troubles » auraient été une désolation encore plus sinistre, plus longue. Sans ce geste, le travail des écrivains travaillant le sillon ainsi ouvert, Edna O’Brien  et John McGahern, pour nommer deux voix majeures et complémentaires, n’aurait pu se pratiquer.

Or il fallait et il faut que les autres (/de l’extérieur)/ aident à cet affranchissement. Les spécialistes de l’Irlande au sein de l’université française offrent compréhension et émancipation aux Irlandais pris dans « la question ». Je pense que l’écho entre l’apport de Maurice Goldring et ces grands auteurs se situe dans la dimension éthique et « ouvrante » de sa recherche, audible dans sa très belle voix.

Cornelius Crowley, Université Paris Nanterre


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