Avec la dernière vague de mondialisation économique, les phénomènes migratoires se sont accrus. En 2015, la Banque mondiale évaluait à 250 millions le nombre d’immigrés de première génération. Ainsi, le nombre de migrants vivant dans les pays de l’OCDE aurait-il augmenté de 38% dans les années 2000.
Une fois installés à l’étranger, certains immigrés originaires d’un même territoire entretiennent des liens sociaux entre eux et avec leur territoire d’origine. Il en résulte parfois la création de réseaux commerciaux. Ceux-ci fluidifient la circulation de renseignements sur les marchés entre la société d’accueil et le territoire d’origine. Les informations parviennent à destination quasiment en temps réel grâce aux nouvelles technologies de la communication. Ces réseaux facilitent également l’instauration de relations de confiance entre leurs membres et donc leurs transactions.
Les entreprises que les membres des diasporas implantent dans les sociétés d’accueil bénéficient des liens que les communautés d’origine étrangère ont gardés avec leur territoire d’origine. Une étude de la Harvard Business School a, par exemple, montré que les entreprises américaines qui comptent parmi leurs employés de nombreuses personnes d’origine chinoise ont beaucoup plus de facilité à établir des joint ventures avec des partenaires en Chine.
Le fait que les diasporas constituent une ressource économique et politique précieuse n’a pas échappé aux hommes politiques et aux États dont elles sont originaires. Qui plus est, il est fréquent que les hommes d’affaires qui ont prospéré à l’étranger investissent dans des entreprises de leur pays d’origine, participent au financement de projets d’infrastructure ou bien deviennent de généreux donateurs pour des causes qui leur tiennent à cœur. Ils fournissent aussi parfois aux acteurs économiques de leur pays d’origine des contacts et des informations sur les marchés de la société d’accueil.
Lorsqu’une diaspora est présente dans une société d’accueil depuis longtemps et qu’elle y est bien intégrée, ceux de ses membres qui sont proches du pouvoir décisionnel peuvent influencer « en douceur » la politique, économique ou étrangère, au profit de leur territoire d’origine. Toutefois, loin de la considérer avec bienveillance, Samuel P. Huntington était au contraire très méfiant vis-à-vis de cette influence.
Par ailleurs, l’expérience et le savoir acquis à l’étranger par les expatriés peuvent bénéficier au territoire d’origine. Taïwan est ainsi parvenu à développer une industrie technologique grâce à l’aide de diplômés de Stanford originaires de l’île.
Cependant, toutes les diasporas ne présentent pas le même potentiel. En effet, les groupes qui les constituent, dispersés géographiquement, ne réussissent pas toujours de la même façon. Le contexte caractérisant la société d’accueil ainsi que l’histoire des relations entre celle-ci et le territoire d’origine jouent un rôle déterminant.
Si le contexte a été favorable, il a pu faciliter l’assimilation d’une population immigrée. Le cas échéant, la diaspora est-elle pour autant « perdue » pour les autorités du pays d’origine ? Certains États ont mis en place des stratégies pour entretenir ou raviver ce lien.
La relation du territoire d’origine à sa diaspora est unique puisque chaque contexte historique est unique. Les raisons qui poussent les populations à partir sont multiples : guerres, guerres civiles, répression, famine, pauvreté ou la recherche de meilleures perspectives d’avenir à l’étranger, etc. Les relations économiques et commerciales que les diasporas établissent avec le territoire d’origine ne se nouent pas en vase clos. Un contexte historique particulièrement dramatique peut-il décourager tout désir d’établir des relations commerciales avec le territoire d’origine ? Ou, au contraire, renforcer la détermination de la diaspora à participer à son développement économique ?
Ce désir sera-t-il forcément plus fort si une diaspora n’est pas parvenue à s’intégrer dans la société d’accueil ? Quelles raisons économiques, historiques et culturelles peuvent freiner cette intégration ?
Quels moyens ou quels arguments les autorités du pays d’origine utilisent-elles dans leur discours pour faire revenir certains membres de leur diaspora ? Peut-on, dans certains cas, parler d’instrumentalisation de l’histoire, de recours au « pathos », de volonté de susciter un sentiment de culpabilité chez ceux qui sont partis ou leurs descendants ? À quel type d’expatriés, ce discours s’adresse-t-il ?
Quelles stratégies certains États utilisent-ils ou ont-ils utilisées dans le passé pour tirer profit des compétences et du potentiel économique de leur diaspora ? L’apport de cette dernière est-il, ou a-t-il été à un moment donné, déterminant pour l’économie du territoire d’origine ?
Si le poids économique des diasporas peut leur conférer une certaine influence sur les autorités du pays d’origine et leurs choix en matière de politique économique, les diasporas peuvent-elles être perçues comme une menace par le pouvoir en place ?
Références bibliographiques :
Brinkerhoff, Jennifer (éd.), Diasporas and Development, Boulder, Lynne Rienner Publishers, 2008.
Brubaker, Rogers, « The ‘diaspora’ diaspora », Ethnic and Racial Studies, vol. 28, no 1, 2005, p. 1-19
Bruneau, Michel, « Phénomène diasporique, transnationalisme, lieux et territoires », CERISCOPE Frontières, 2011, [en ligne], consulté le 28/01/2019, URL : http://ceriscope.sciences-po.fr/content/part4/phenomene-diasporique-transnationalisme-lieux-et-territoires
Huntington, Samuel P., « Diasporas, Foreign Governments and American Politics » in Who Are We? The Challenges to America’s National Identity, New York, Simon and Schuster, p. 276-294.
Safran, William, « Diasporas in Modern Societies: Myths of Homeland and Return », Diaspora, vol. 5, no 1, 1991, p. 83-99.
Les propositions (en anglais ou en français) sont à envoyer à marie-ondine.aza@u-cergy.fr et anne.groutel@univ-paris1.fr pour le 19 avril 2019 avec :
• Une courte biographie
NB : la durée des présentations sera de 20 minutes.
Langues : anglais et français.
Les auteurs dont la proposition a été retenue en seront avisés la semaine du 6 mai.
Comité d’organisation : Anne Groutel (Maître de conférences en anglais, Université Paris 1 Panthéon – Sorbonne), Ondine Aza (Docteur en études du monde anglophone – spécialité Territoires insulaires du Commonwealth), Caixia Tan (Doctorante, CERVEPAs / CREW ED514).
Comité scientifique : Martine Azuelos (Professeur émérite, Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3), Jacques-Henri Coste (Maître de conférences en civilisation américaine, Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3), Grainne O’Keefe-Vigneron (Maître de conférences en anglais, Université Rennes 2), Yann Richard (Professeur des Universités, directeur de l’UFR de Géographie, Université Paris 1 Panthéon – Sorbonne), Christine Zumello, (Professeur des Universités en civilisation américaine, Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3).