Evolution et enjeux des formations et de la recherche dans le secteur LANSAD (janvier 2011)

Ce document a été élaboré et approuvé par la commission Formations de la SAES le 28 janvier 2011.

Pour voir ici la composition de la commission.

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1-OBJECTIF DE CE DOCUMENT Lors de sa première réunion, et parallèlement aux autres questions qu’elle abordera, la Commission Formations de la SAES a exprimé le besoin de clarifier aux yeux de l’ensemble de la communauté certaines des orientations autour desquelles la recherche s’est structurée depuis les années 1970 dans le domaine des études anglaises. Ce document se concentre uniquement sur la définition des trois termes–clés (Anglais de Spécialité, Didactique de l’anglais, LANgues pour Spécialistes d’Autres Disciplines) à propos desquels subsistent certaines confusions, et sur les relations qu’ils entretiennent. Il s’adresse donc à la fois aux membres de la communauté des anglicistes de l’enseignement supérieur, à leurs représentants, au CNU 11e section, ainsi qu’aux instances institutionnelles (Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, Présidents d’universités, CPU, directeurs d’UFR…). Il s’agit donc d’un document succinct, destiné à être complété plus largement par des textes plus élaborés, à l’initiative des sociétés savantes et associations représentatives des domaines évoqués.

2-QUELQUES RAPPELS RELATIFS A L’ANGLAIS DE SPECIALITE ET AU SECTEUR LANSAD Les études anglaises dans l’université française distinguent traditionnellement l’enseignement aux spécialistes de cette langue et celui destiné à ce qu’il était coutume d’appeler les ‘non-spécialistes’ et auquel on se réfère désormais comme l’enseignement pour le secteur LANSAD (LANgues pour Spécialistes d’Autres Disciplines). Depuis le milieu des années 1970, à la suite en particulier des initiatives de Jean-Marie Baïssus, Francisque Costa, Michel Perrin et Michèle Rivas, s’est développée une volonté forte d’ancrer cet enseignement de la langue anglaise dans le secteur LANSAD dans une activité de recherche spécifique et d’en faire un champ universitaire à part entière, aux côtés de la littérature, la civilisation ou la linguistique, la didactique constituant, quant à elle, un axe transversal, dans une discipline en pleine évolution. Outre le gage de qualité que cette démarche sous-entend, il s’agit également pour les acteurs impliqués d’affirmer la profondeur culturelle des langues et discours spécialisés que ne saurait recouvrir une langue dite ‘internationale’ sans spécificité culturelle ni langagière. Ces nouvelles orientations de recherche impliquent également la nécessité de voir ces enseignements reconnus à leur juste valeur et plus systématiquement, à l’avenir, confiés à des enseignants-chercheurs spécialistes.

3-IDENTIFICATION DES OBJETS L’activité de recherche initialement liée à ce secteur s’est progressivement diversifiée afin de répondre aux questions spécifiques soulevées. La réflexion des spécialistes s’est ainsi orientée vers : - la définition des contenus, - l’élaboration de méthodologies spécifiques de l’apprentissage, - la formation à l’enseignement et à la recherche dans le domaine. Cette activité de recherche s’est progressivement affinée, et distingue notamment désormais le secteur d’activité LANSAD, l’objet d’étude scientifique identifié comme Anglais de Spécialité (ASP) et la réflexiondidactique propre à garantir la qualité des apprentissages. Ce document se propose d’éclairer chacun de ces termes.

4-DEFINITIONS 4.1-Secteur LANSAD Initialement confondus lors de l’apparition de cette réflexion inspirée du concept originel anglo-saxon d’English for Specific Purposes, ASP et LANSAD doivent toutefois être clairement distingués en tant qu’objet d’étude et domaine de recherche pour le premier, secteur d’enseignement universitaire pour le second. Le secteur LANSAD revêt des réalités fort différentes selon les institutions et les publics. Le terme peut ainsi correspondre à :

- un enseignement destiné à des étudiants d’une même discipline(médecine, droit, économie, mathématiques, génie, pour n’en citer que quelques-unes). L’articulation entre ces formations dans un domaine clairement identifié et un type particulier de discours spécialisé s’avère source d’enrichissement à la fois pour la discipline visée (puisque l’anglais y est reconnu comme un vecteur de connaissance et d’efficacité professionnelle) et pour le développement des compétences linguistiques et langagières (puisque la spécialisation du discours est source de motivation forte pour l’apprentissage de la langue). La finalité de ce type d’enseignement est de permettre l’insertion linguistique et culturelle du futur professionnel qu’est l’étudiant dans l’environnement socio-professionnel de sa spécialisation.

- un enseignement destiné à des étudiants issus de disciplines variées. La problématique est alors différente, puisque transdisciplinaire ; l’ancrage disciplinaire est plus flou, voire absent. Il convient de remarquer que l’appellation LANSAD est parfois appliquée à des enseignements à visée plus sommaire, moins spécialisée et principalement commerciale, générant de ce fait une ambiguïté que déplorent les acteurs de ce secteur.

Bien que les deux premières situations soient éloignées du point de vue des publics visés, la réflexion sur la qualité des enseignements de l’anglais dans le secteur LANSAD fait apparaître un certain nombre de convergences :

- l’utilité d’une réflexion institutionnelle sur l’organisation des enseignements et des publics dans le secteur LANSAD et leur adéquation avec les visées de la formation et avec les attentes en matière de qualité. Cette réflexion relève d’une démarche d’ingénierie de formation ;

- l’identification d’un public aux compétences langagières en voie d’acquisition et aux motivations variables en matière d’apprentissage de la langue anglaise,justifiant une réflexion didactique transversale ;

- le repérage de compétences transdisciplinaires portant sur deux pôles distincts mais complémentaires :

o l’objet d’enseignement : un objet double constitué à la fois du domaine de référence et du discours spécialisé. Il convient donc tout autant d’identifier les critères de constitution d’un domaine que d’identifier la manière dont se constitue un « anglais de spécialité » (aspects terminologiques, discursifs, culturels…).

o les compétences didactiques nécessaires pour mener une réflexion sur l’apprentissage de l’anglais, d’une part, sur les interfaces entre l’apprentissage de la langue et celui du domaine, d’autre part.

4.2-ASP Lors du Congrès 2010 de la SAES, l’atelier ASP a proposé les définitions suivantes : « Langues de spécialité » : Une langue de spécialité est l’expression d’un domaine spécialisé dans une langue. « Anglais de spécialité » Une variété spécialisée de l’anglais (souvent appelé « langue de spécialité » par commodité) est l’expression d’un domaine spécialisé dans cette langue. En tant que discipline, l’ASP est la branche de l’anglistique qui étudie ces objets et qui développe la réflexion didactique propre à son enseignement et son apprentissage. L’Anglais de Spécialité constitue l’objet tout autant du secteur LANSAD (dans le cas de formations homogènes en termes de domaine visé et de public étudiant) que du secteur LLCE, dans la mesure où son étude utilise des concepts communs à l’ensemble de l’anglistique (terminologie, traduction spécialisée, analyse du discours…). Son étude porte à la fois sur les domaines spécialisés (approche voisine de celle des civilisationnistes et méthodologies qui peuvent être communes) et sur la langue/discours à partir desquels ces domaines se constituent. Elle passe par la définition des termes clés du domaine, de ses fonctionnements symboliques (terminologie, genres, métaphorisations…), de sa dynamique (histoire de la pensée, apparition/évolution des lexiques, néologismes et changements de paradigmes scientifiques…). Le lien entre la langue/discours et le domaine constitue une clé pour la découverte d’une connaissance ancrée des cultures spécifiques. En ce sens, la discipline se situe à la croisée de la linguistique et de la civilisation.

4.3-Didactique de l’anglais et secteur LANSAD

Rappelons tout d’abord que la réflexion didactique est plus large que la seule présentation qui en est faite dans ce document, plus pointu dans sa finalité. Elle s’est développée à la fois dans l’atelier de didactique des congrès SAES et grâce à des journées d’étude spécifiques. Le texte spécifique sur la didactique de l’anglais, fruit d’un travail collectif au sein de ARDA, constitue un complément nécessaire au présent document. Il prend notamment en compte les récentes évolutions en matière de formation des maîtres et le fait que la didactique de l’anglais est devenue un enseignement de master. S’y détachent en particulier les questions très contemporaines de la certification, du plurilinguisme, et de l’enseignement médiatisé. (Cette contribution est disponible en ligne à l’adresse suivante). Dans le cadre spécifique du présent document, nous rappellerons le fait que l’exigence universitaire d’un enseignement de qualité de la langue anglaise pour les étudiants spécialistes d’autres disciplines se traduit à la fois par une recherche sur son objet et sur les méthodes et pratiques propres à en favoriser l’apprentissage. Cette exigence, qui suppose de déjouer les pièges d’un enseignement généraliste, se traduit par la nécessité de valider les pratiques par le recours aux théories. Si la didactique de la langue est par nature interdisciplinaire, son application à un objet particulier (didactique de l’anglais) suppose une connaissance approfondie de cet objet dans toutes ses dimensions culturelles et linguistiques. En ce sens, la didactique de l’anglais et les questionnements qu’elle induit (au nombre desquels les conditions d’intégration et d’appropriation des TIC pour l’enseignement/apprentissage de la langue) appartient bien à la discipline des études anglaises. La réflexion didactique se concentre sur les moyens de rendre le savoir et les connaissances appropriables. Elle s’appuie sur des composantes multiples situées en amont (linguistique, sociolinguistique, psycholinguistique, neurosciences…).

Elle prend en compte le lien qui la relie à la pédagogie. Sa visée est multiple :

- justifier et valider des méthodes d’enseignement par référence aux théories de l’apprentissage ; garantir de ce fait la qualité de l’enseignement par son ancrage fort dans la recherche ;

- dépasser l’expérience individuelle de l’enseignant et les habitudes institutionnelles (les obstacles épistémologiques identifiés par Bachelard) par l’approfondissement des concepts susceptibles de garantir pérennité et transférabilité des dispositifs. Cet aller-retour entre théorie et pratique, sur lequel se fonde la recherche-action propre à la didactique, est le garant de good practice selon l’expression consacrée par les anglo-saxons spécialistes de linguistique appliquée (applied linguists) anglo-saxons.

Cas des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) : Les TIC ne constituent pas en elles-mêmes un secteur de recherche propre aux études anglaises. Par le potentiel pédagogique qu’elles offrent, elles renouvellent toutefois les questions fondamentales de la didactique de l’anglais et constituent l’un des axes de réflexion de la didactique. Souvent considérées comme un simple support vers lequel l’enseignant « moderne » peut – doit ? – faire migrer des méthodes éprouvées, elles constituent en fait à la fois une source d’enrichissement et un défi :

- enrichissement par la nature multimédia des matériaux, particulièrement adaptée à l’enseignement-apprentissage d’une langue vivante ; par la variété des modalités qu’elles proposent (enseignement en présentiel [laboratoires / centres de langues], à distance ou hybride).

- défi par la nécessité qu’elles imposent au didacticien de les distancier pour en théoriser les usages, y compris dans leur interaction avec la langue enseignée. Briser le mythe et affronter la complexité pour mieux appréhender la situation d’apprentissage de la langue médiatisée ou à distance constituent deux enjeux sociétaux majeurs.

5-CONCLUSION Bien que souvent confondus de manière plus ou moins implicite, les termes « secteur LANSAD », « ASP » et « didactique de l’anglais » restent bien distincts, même s’ils jouent des rôles souvent complémentaires dans la réflexion portant sur les formations universitaires en anglais. Les enjeux qu’ils représentent pour l’Université sont importants : une large proportion des postes de MCF mis au concours en 11e section depuis plusieurs années se réfèrent pour leur fléchage à l’un ou l’autre de ces termes. Cette forte demande ne rencontre cependant pas toujours de réponse satisfaisante :

-on constate en effet un décalage important ente l’offre des profils publiés et les thèses soutenues par les nouveaux candidats ;

- le manque de formations universitaires dans ces domaines cause une relative pénurie de candidats spécialistes aptes à postuler aux postes mis aux concours.

Si l’on peut espérer que la diffusion du présent document et des textes plus élaborés qui le compléteront contribue à éclairer l’ensemble de la communauté sur les enjeux d’enseignement et de recherche, la question des formations d’enseignants-chercheurs spécialistes est cependant cruciale. Ces formations peuvent viser deux objectifs majeurs : l’anglais de spécialité et la didactique de l’anglais, en cohérence avec la présentation faite dans les lignes qui précèdent. L’ouverture de formations aux niveaux Master/Doctorat sous-entend d’introduire ces nouvelles orientations dès le cycle Licence : le choix d’une spécialisation en Master est toujours plus difficile pour l’étudiant qui découvrirait les notions d’ASP et de didactique à ce niveau d’étude. Il est ainsi permis de penser qu’une ouverture plus large et plus précoce des études anglaises à ces nouvelles spécialisations, liée aux besoins en enseignement de qualité d’un secteur LANSAD recomposé, est susceptible de contribuer à redynamiser les inscriptions dans les filières LLCE et de bénéficier ainsi à l’ensemble de la communauté de l’anglistique.

Annexe Sociétés Savantes et Associations impliquées dans les domaines évoqués Sociétés savantes « filles » de la SAES et leur Président(e) (cliquer sur le nom pour accéder au Site web) ARDA (Association pour la Recherche en Didactique de l’Anglais) : Jean-Paul Narcy-Combes GERAS (Groupe d’Etude et de Recherche en Anglais de Spécialité) : Jean-Claude Bertin Autres associations ACEDLE (Association des Chercheurs et Enseignants Didacticiens des Langues Etrangères) : Dominique Macaire APHEC (Association des Professeurs des classes préparatoires économiques et commerciales) : Viviane Simson APLIUT (Association des Professeurs de Langues des IUT) : Dan Frost APLV (Association des Professeurs de Langues Vivantes) : Jean-Yves Petitgirard RANACLES (RAssemblement National des Centres de Langues de l’Enseignement Supérieur) : Christine Vaillant-Sirdey UPLEGESS (Union des Professeurs de Langues Etrangères des Grandes Ecoles) : Jean Le Bousse UPLS (Union des Professeurs enseignant les disciplines littéraires dans les classes préparatoires aux grandes écoles scientifiques) : Rémy Boulard


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