Colloque « Au-delà des frontières : cartographie des sexualités et sexualisation des espaces », Université Lyon 3, 6 et 7 mai 2021

*Au-delà des frontières : cartographie des sexualités et sexualisation des
espaces *
Colloque international – 6 et 7 mai 2021

Institut d’Études Transtextuelles et Transculturelles (IETT)

Université Jean Moulin Lyon 3

Ce colloque se propose de s’intéresser aux rapports qu’entretiennent les
notions de frontières et de sexualité dans une perspective
interdisciplinaire, transnationale et transculturelle. Il s’agira en
particulier de cartographier les façons dont l’espace détermine les
sexualités et les pratiques sexuelles, et en retour, de comprendre comment
celles-ci structurent et bornent les espaces dans lesquels nous vivons,
ainsi que la façon dont nous nous les représentons.

À une époque où l’on érige un peu partout sur le globe des murs et des
barrières dont le but avoué est de contenir et de séparer les populations,
il paraît urgent de s’interroger sur la façon dont ces limites, qu’elles
soient physiques ou symboliques, politiques ou sociales, conditionnent les
pratiques sexuelles et façonnent les représentations de la sexualité.
Réciproquement, le franchissement de ces limites, s’il permet souvent de
s’affranchir de certaines limitations (discriminations, persécutions,
surveillance, etc.) en trouvant refuge ailleurs, est également parfois
motivé par la volonté de transgresser les lois interdisant la
marchandisation des corps et l’exploitation sexuelle, et ce alors qu’un
nombre toujours croissant de personnes, qu’elles soient touristes,
migrant.e.s, flâneurs/ses, ou travailleurs/ses, traversent chaque jour les
frontières qui quadrillent les lieux publics et l’espace international.
Qu’on l’ouvre ou qu’on la ferme, qu’on la franchisse ou qu’on la respecte,
la frontière définit non seulement un espace géographique ou une communauté
culturelle, mais aussi les lois et les normes qui régulent les pratiques et
les identités sexuelles considérées comme légales ou légitimes sur un
territoire donné.

La frontière définit l’altérité, elle fait la distinction entre le « Nous »
et le « Non-Nous » (Clifford Geertz, *The Anthropologist as Author*, 1988).
Ainsi, elle nomme l’étranger, c’est-à-dire le migrant, le non-citoyen,
celui qui n’a pas la nationalité. Elle définit également le barbare, celui
qui pénètre, avec sa différence, et tous les dangers et les stigmates qu’on
lui associe (maladies, perversions, etc.). Les frontières déterminent nos
pratiques, elles circonscrivent l’ici et l’ailleurs, bornent notre domaine
du possible. Or, c’est souvent cette dichotomie du « impossible ici »
/ « possible ailleurs » (prostitution, procréation médicalement assistée,
avortement, etc.) qui se trouve à l’origine d’un passage de frontière dans
le cadre des questions de sexualité.

Pour Michel Foucault, la sexualité est particulièrement propice à la
création d’ « hétérotopies », ces espaces que l’on réserve à certaines
fonctions, ces lieux « nulle part », qui structurent les territoires
urbains : maisons closes, quartiers rouges et bars de striptease décrivent
une géographie urbaine de ce qui est traditionnellement associé à la
débauche et au vice, en contrepoint des banlieues résidentielles de la
classe moyenne ou des centres-villes bourgeois où sont censés régner
l’ordre moral, l’idéologie familiale et la sexualité procréative.
Inversement, les périphéries sont souvent stigmatisées comme des lieux où
règne l’homophobie, par opposition à des centres-villes urbains
progressistes où la sexualité peut s’exprimer librement (les quartiers gays
des grandes métropoles par exemple). Se pose ainsi la question des
politiques publiques en la matière car, si l’on assimile aisément la
sexualité à l’intime et à la vie privée, on omet la porosité de la
frontière qui sépare l’espace public de l’espace privé. La sphère privée,
tout comme la sphère publique, est, elle aussi, régie par un ensemble de
lois et d’injonctions qui viennent gommer la délimitation entre ces deux
espaces, au même titre que le développement d’Internet a quelque peu aboli
la limite entre l’intime et le public (sites de rencontre, sites
pornographiques, prostitution en ligne, etc.).

Histoire de l’art, analyse littéraire, enquête sociologique, archives
historiques, études de genre, philosophie, anthropologie, histoire des
migrations et urbanisme sont autant de disciplines et de méthodologies qui
seront convoquées afin de répondre aux questions suivantes : que se
passe-t-il lorsque la sexualité se déplace, lorsque les pratiques sexuelles
se font en dehors des frontières ? Qu’advient-il des normes et des
pratiques sexuelles dans un contexte de mondialisation des échanges, de
développement d’Internet, et de droit international parfois contesté ?
Comment est-ce que la sexualité et ses représentations sont affectées par
la mobilité croissante des individus, forcée ou récréative ? Est-ce que
passer la frontière, quelle qu’elle soit, implique une transgression, une
transformation ? Quelles raisons poussent des individus à franchir une
frontière, à aller dans l’ailleurs, au motif de leur sexualité ?

Parmi les pistes de réflexion possibles, on pourra envisager des
communications qui s’inscriraient dans les thématiques suivantes : 1/
Sexualités, mondialisation et migrations transnationales

–          Quand les questions sexuelles poussent à franchir la frontière :
fuir la répression sexuelle dans son pays d’origine ; trafic sexuel et sexe
utilisé comme monnaie pour payer la migration ; passer la frontière pour
obtenir une interruption de grossesse, une aide à la procréation, une
contraception ou une réassignation sexuelle ;

–          Affaiblissement des frontières et sexualité : la mondialisation
et l’uniformisation des comportements sexuels ; épidémies de MST liées aux
phénomènes migratoires, discours et enquêtes de santé publique sur les
pathologies
d’importation ; pornographie à l’ère d’Internet ;

–          Attrait de la sexualité d’ailleurs : tourisme sexuel et
matrimonial ; couples binationaux ; mariages blancs ; abus sexuels des
étrangers qui viennent en aide aux populations locales (humanitaires,
missionnaires, etc.) ; retour ponctuel dans le pays d’origine dans le cas
des mutilations génitales.
2/ Sexualités, espaces régionaux et migrations nationales

–          Mieux vivre sa sexualité en changeant d’espace : passer d’un
espace rural à un espace urbain, d’une petite à une grande ville, de la
province à la capitale, quand on est LGBTQI+ ;

–          Frontières et interdits : relations « interdites » dans
certaines régions d’un pays donné pour des raisons raciales, religieuses,
culturelles (lois contre le métissage dans le sud des États-Unis, etc.) ;
pratiques sexuelles acceptées uniquement au sein d’un groupe prescrit mais
condamnées de l’extérieur (polygamie chez les Mormons, etc.)
3/ Sexualités, migrations locales et espace urbain

–          Organisation urbaine et espaces assignés à la sexualité : les
quartiers gays, les quartiers rouges, cartographie de la prostitution dans
chaque ville ; espaces réservés à la marginalité (clubs échangistes ou SM,
maisons closes, bois réservés à la prostitution ; quartiers bourgeois comme
cadre de la sexualité acceptable, normative, reproductive ; espaces
réservés à l’infidélité (Michel Foucault et son hétérotopie des motels
américains par exemple)
4/ Frontières mentales : ici et ailleurs, exotisme, orientalisme,
idéalisation, stéréotypes et projections

–          la figure de l’étranger/ère comme objet de fascination et
d’attirance ou représentation de l’étranger comme celui qui importe des
maladies, menace l’intégrité et incarne un danger sexuel (violeur,
pédophile, etc.) ;

–          Rester au sein de son groupe pour une sexualité acceptable : la
sexualité de l’entre-soi (espaces de rencontre aménagés au sein d’un groupe
social, culturel, ou religieux, comme les rallyes, les bals, etc.) ;

–          Identité nationale et « exoticisation » de l’homophobie :
opposition stratégique entre progressisme sexuel dans les nations
occidentales et les centres urbains et « archaïsme barbare » sur la
question dans les nations du Sud et les banlieues (Jasbir K. Puar,
*Homonationalism
in Queer Times*, 2007).

Les communications pourront être en anglais ou en français. Les
propositions (autour de 300 mots) accompagnées d’une brève notice
biographique devront être envoyées avant le 2 novembre 2020 aux deux
organisateurs/trices : Pierre-Antoine Pellerin (
pierre-antoine.pellerin@univ-lyon3.fr)
<pierre-antoine.pellerin@univ-lyon3.fr> et Marie Moreau (
marie.moreau1@univ-lyon3.fr)

*Comité scientifique *: Sophie Coavoux (Lyon 3), Sibylle Goepper (Lyon 3),
Georges-Claude Guilbert (Le Havre), Gregory Lee (Lyon 3), Hélène Quanquin
(Lille 3), Corrado Neri (Lyon 3), Christabelle Sethna (Ottawa)

*Beyond Borders: Mapping Sexualities and the Sexualisation of Spaces *

International Conference – May 6 and 7, 2021

Institut d’Études Transtextuelles et Transculturelles (IETT)

Université Jean Moulin Lyon 3

This conference will examine the relationship between the notions of
boundaries and sexuality from an interdisciplinary, transnational and
transcultural perspective. In particular, it aims to map the ways in which
space determines sexualities and sexual practices, and to understand, in
turn, how sex structures and limits the spaces in which we live, and how we
relate to them.

At a time when walls and barriers are being erected around the globe with
the stated goal of containing and separating populations, it seems urgent
to question how these boundaries, whether physical or symbolic, political
or social, condition sexual practices and shape representations of
sexuality. Conversely, the crossing of these limits, while often allowing
people to free themselves from certain limitations (discrimination,
persecution, surveillance, etc.) by finding shelter elsewhere, is also
sometimes motivated by the desire to break laws prohibiting the
commodification of bodies and sexual exploitation, at a time when an
ever-increasing number of people, whether tourists, migrants, loiterers, or
workers cross the borders and frontiers that delimit public places and
international space every day. Whether opened or closed, crossed or
respected, borders define not only a geographical space or a cultural
community, but also the laws and norms that regulate practices and gender
identities that are considered legal or legitimate on a given territory.

Borders and boundaries define otherness, distinguishing between the “We”
and the “Non-We” (Clifford Geertz, *The Anthropologist as Author*, 1988).
Thus, they identify the foreigner, i.e. the migrant, the non-citizen. They
also define the barbarian, the one who penetrates, with their difference,
and all the dangers and stigmas associated with such a status (diseases,
perversions, etc.). Borders determine our practices; they distinguish
between “here” and “there” and limit the domain of the possible. Yet, it is
often this dichotomy between what is “impossible here” and what is
“possible elsewhere” (abortion, prostitution, medically assisted
reproduction, etc.) that leads people to cross borders for sex-related
motives.

For Michel Foucault, sexuality is particularly conducive to the creation of
“heterotopias”, those spaces devoted to particular functions, those
“nowhere” places that structure urban territories: brothels, red-light
districts and strip bars map out an urban geography traditionally
associated with debauchery and vice, opposed to middle-class residential
suburbs or bourgeois town centers where moral order, family ideology and
procreative sexuality are supposed to be norm. Conversely, peripheries are
often stigmatized as places where homophobia prevails as opposed to
progressive urban centers where sexuality can be freely expressed (e.g. gay
neighborhoods in large cities). This raises the question of public policies
on the matter: equating with intimacy and privacy leads to the erasure of
the porous boundary between public and private space. The private sphere,
like the public sphere, is governed by laws and injunctions that erase the
boundary between the two, just as the development of the Internet has
somewhat contributed to abolishing the boundary between what is hidden and
what is seen or shown (dating websites, pornographic websites, online
prostitution, etc.).

Art history, literary analysis, sociological investigation, historical
archives, gender studies, philosophy, anthropology, migration history and
urban planning are all disciplines and methodologies that will help us
answer the following questions: what happens when sexuality moves, when
sexual practices take place across borders? What happens to sexual norms
and practices in the context of the globalization of trade, the development
of the Internet, and sometimes disputed international law? How are
sexuality and its representations affected by the increasing mobility of
individuals, whether forced or recreational? Does crossing a border
necessarily imply transgression or transformation? What are the reasons why
individuals cross a border, go elsewhere, because of their sexuality?

Among the possible avenues for reflection, we will consider papers that
fall under the following themes:

*1/ Sexuality, globalization and transnational migration*

– When sexual issues push people to cross a border: fleeing sexual
repression in one’s country of origin; sex trafficking and sex used as
currency to pay for migration; crossing the border to obtain an abortion,
reproductive assistance, contraception or sexual reassignment;

– Weakening borders and sexuality: globalization and the standardization of
sexual behaviors; STD epidemics linked to migratory phenomena, public
health discourse and investigations into import pathologies; pornography in
the age of the Internet;

– Attractiveness of sexuality from elsewhere: Sexual and matrimonial
tourism; binational couples; sham marriages; sexual abuse from foreign
workers assisting local populations (humanitarians, missionaries, etc.);
occasional return to the country of origin in the case of genital
mutilation.

*2/ Sexualities, regional spaces and national migration  *

– Changing space to fully embrace one’s sexual identity: moving from a
rural to an urban space, from a small town to a big city, from the
provinces to the capital for LGBTQI+ people for instance;

– Borders and prohibitions: “prohibited” relationships in specific regions
of a given country for racial, religious, cultural reasons (*anti-miscegenation
laws in the South of the US, etc.)*; sexual practices accepted only within
a prescribed group but condemned from the outside (polygamy among Mormons,
etc.).

*3/ Sexualities, local migration and urban space*

– Urban organization and spaces assigned to sexuality: gay neighborhoods,
red-light districts, mapping of prostitution in each city; spaces reserved
for marginality (SM or swingers’ clubs, brothels, woods reserved for
prostitution; bourgeois neighborhoods as a framework for acceptable,
normative, reproductive sexuality; spaces reserved for infidelity (Michel
Foucault and American motels as heterotopias for example).

*4/ Mental frontiers: here and elsewhere, exoticism, orientalism,
idealization, stereotypes and projections*

– The figure of the foreigner as an object of fascination and attraction;
representation of the foreigner as importing diseases, threatening
integrity and embodying sexual danger (rapist, pedophile, etc.);

– Remaining within one’s group for an acceptable sexuality: meeting spaces
set up within a given social, cultural, or religious group, such as
fraternities, ballrooms and voguing, etc.

– National identity and the “exoticisation” of homophobia: strategic
opposition between sexual progressivism in Western nations and urban
centers, and “barbaric archaism” on the matter in Southern nations and
suburban areas (Jasbir K. Puar, *Homonationalism in Queer Times*, 2007)

Papers may be written in English or French. Proposals (around 300 words)
accompanied by a short biography should be sent before November 2, 2020 to
the two organizers: Pierre-Antoine Pellerin (
pierre-antoine.pellerin@univ-lyon3.fr) and Marie Moreau (
marie.moreau1@univ-lyon3.fr)

*Scientific committee*: Sophie Coavoux (Lyon 3), Sibylle Goepper (Lyon 3),
Georges-Claude Guilbert (Le Havre), Gregory Lee (Lyon 3), Hélène Quanquin
(Lille 3), Corrado Neri (Lyon 3), Christabelle Sethna (Ottawa)


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