Journée d’étude vendredi 27 mai 2016
La voix narrative dans le théâtre et le cinéma anglophones des XXème et
XXIème siècles
Les arts dramatiques comme le théâtre et le cinéma fonctionnent selon le principe de la double énonciation (Übersfeld): le point de vue et les pensées des personnages représentent la première de ces énonciations, le point de vue du metteur en scène ou du cinéaste, représente la seconde ; la première est par définition multiple dans la mesure où une pièce ou un film fait figurer, la plupart du temps, plusieurs personnages , la seconde estplus allusive et élusive, parfois sujette à controverse puisqu’elle est moins clairement énoncée.
Cette ambiguïté potentielle peut parfois créer des malentendus entre un dramaturge ou un metteur en scène et son public, surtout lorsqu’il s’agit de mœurs ou de politique.
Conscients de cette difficulté commune au théâtre et au cinéma, les artistes contemporains (romanciers, dramaturges, scénaristes et metteurs en scène) ont souvent exploré de façon plus libre les différentes manières de présenter et représenter la narration et le narrateur, se jouant parfois volontairement de cette ambiguïté même, et inventant des situations d’énonciation nouvelles. Cette journée d’étude se propose d’explorer ce qu’il advient de cette voix narrative dans les deux moyens d’expression dramatique que sont le théâtre et le cinéma.
*La voix narrative homodiégétique au cinéma*
Dans le cas du cinéma il s’agira de se concentrer sur la voix homodiégétique, celle qui dans le roman dont le film est l’adaptation
dirige à la fois récit et point de vue, narration et focalisation. En littérature, une voix homodiégétique se doit d’être constante et
restreinte par la conscience du personnage afin d’être crédible. L’équivalent cinématographique est grammaticalement plus flou, plus
ambigu, plus versatile. Il s’agira de voir à travers différents cas de figure comment le film adapte cette voix narrative si particulière.
Les outils théoriques proposés sont ceux que Brian McFarlane utilise dans sa théorie de l’adaptation filmique (1996) empruntée à l’analyse structurale du récit de Barthes (1966) :fonctions distributionnelles et fonctions intégratives, et leurs deux sous-catégories : fonctions cardinales et catalyses d’une part, informants et indices d’autre part.
Selon McFarlane, des quatre fonctions évoquées, seules les trois premières seraient transférables telles quelles dans le medium filmique, tandis que les indices seraient non transférables et nécessiteraient donc une adaptation au sens propre.
La voix narrative apparaît en première place parmi ces indices non transférables dans la mesure où toute la narration ne peut se transposer en voix off, notamment dans le cas d’une narration homodiégétique.
Celle-ci se fait entendre au cinéma dans une voix off qui ne peut être qu’intermittente dans un film de fiction. D’autres moyens
cinématographiques doivent être mis en œuvre et inventés :caméra subjective, composition des plans, et de façon plus générale la
focalisation interne. Tous les éléments de mise en scène pourront être invoqués, qu’il s’agisse d’aspects temporels ou esthétiques (place de la caméra, angles de prise de vue, constance du personnage narrateur à l’écran, montage, musique, interprétation, etc.). Certains de ces moyens nécessitent d’être confrontés à la réalité des études de cas, ce qui devrait permettre d’affiner la théorie de McFarlanedurant cette journée qui se concentrera sur les récits classiques, « à intrigue et à personnages »(Metz).
Bibliographie indicative:
Bordwell, David. /Narration in the Fiction Film/. London: Routledge, 1986.
Branigan, Edward. /Narrative Comprehension and Film/. London & New York: Routledge, 1992.
Cardwell, Sarah. /Adaptation Revisited: Television and the Classic Novel./ Manchester: Manchester UP, 2002
Cartmell, Deborah and Imelda Whelehan, /The Cambridge Companion to
Literature on Screen/. Cambridge: Cambridge University Press, 2007.
Chion, Michel./Un art sonore, le cinéma. Histoire, esthétique, poétique/. Paris : Cahiers du cinéma, essais, 2003.
Jost, François & AndréGaudreault. /Cinéma et récit, II. Le récit cinématographique./Paris: Nathan, 1990.
Leitch, Thomas. /Film Adaptation and Its Discontents – From/ Gone with the Wind /to/ The Passion of the Christ. Baltimore: The Johns Hopkins UP, 2007.
McFarlane, Brian. /Novel to Film : An Introduction to the Theory of Adaptation/ Oxford: Clarendon Press, 1996.
Mellet Laurent & Shannon Wells-Lassagne. /Étudier l’adaptation filmique : cinéma anglais – cinéma américain/. Rennes: PUR, 2010.
Mulvey, Laura. /Visual and Other Pleasures/. New York: Palgrave, 1989.
Stam, Robert and Allesandra Raengo. /Literature and Film; A Guide to the
Theory and Practice of Film Adaptation/. Oxford: Blackwell, 2005.
*Du roman au théâtre : que devient le narrateur ?*
L’adaptation de romans est une pratique courante de la scène
contemporaine, qu’elle soit le fait du romancier devenu dramaturge, ou
d’un dramaturge adaptant le roman écrit par un autre, ou encore d’un
metteur en scène s’inspirant d’un récit pour en faire un spectacle.
D’après Muriel Plana, « [l]oin d’être un passage, associé à quelque
malheureuse déperdition, d’une œuvre originelle vers une forme
d’accueil, dans laquelle elle resterait reconnaissable, l’adaptation se
présente comme une construction de médiations de plus en plus opaques
entre une œuvre qu’on utilise comme matériau, comme point d’appui ou
lieu d’inspiration, et une pratique théâtrale qui ne la reconnaît plus
comme originelle. Le XIX^e siècle adaptait. Le XX^e siècle réécrit et
recompose, au prix de l’éclatement de la matrice initiale – dût-elle se
résumer à la fable d’un roman. »
Cette journée d’étude se propose d’explorer le passage du récit à la
scène dans le théâtre anglophone du XX^e et du XXI^e siècles, en se
concentrant plus particulièrement sur la voix narrative : qu’elle soit
hétéro ou homodiégétique, prise en charge par un personnage, un acteur
ou encore une voix désincarnée, équivalent de la voix-off au cinéma,
l’instance narratrice est l’objet d’une réflexion nécessaire puisqu’elle
représente la spécificité stylistique du roman. Alors que le théâtre
contemporain s’affranchit bien souvent des distinctions de genre,
l’inventivité des dramaturges et adaptateurs semble pouvoir se mesurer à
leur capacité à prendre en charge la narration, à lui donner toute sa
place, à lui créer un espace scénique spécifique, qui ne se limiterait
pas aux didascalies mais serait effectivement mise en voix et en images.
Les propositions pourront concerner l’ensemble des pratiques
d’adaptation du récit à la scène anglophone, mais aussi les créations
transgénériques ou hybrides aux XX^e et XXI^e siècles.
Bibliographie
Aston,Elaine and George Savona. /Theatre as Sign-System : A Semiotics of
Text and Performance/. London and New York : Routledge, 1991.
Brecht, Bertold. Ecrits sur le théâtre, tome 1. Paris : L’Arche, 1963-72.
Issacharoff, Michael. /Le Spectacle du discours/. Paris: J. Corti, 1985.
Jahn, Manfred. « Narrative Voice and Agency in Drama: Aspects of a
Narratology of Drama ». /New Literary History: A Journal of Theory and
Interpretation/ 32, n^o 3 (Summer 2001): 659‑79.
Keir, Elam. /The Semiotics of Theatre and Drama/. London : Methuen, 1980.
Plana, Muriel. /Roman, théâtre, cinéma au XXe siècle : adaptations,
hybridations et dialogue des arts/. Paris : Bréal, 2014.
Merci d’envoyer vos propositions de communications sous la forme
d’abstract de 250 à 300 mots, en anglais ou en français, à Marianne
Drugeon (marianne.drugeon@univ-montp3.fr) et Luc Bouvard
(luc.bouvard@univ-montp3.fr <mailto:luc.bouvard@univ-montp3.fr>) avant
le 04 janvier 2016.
*One-day Conference Friday 27 May 2016*
*The narrative voice in anglophone theatre and cinema in the 20th and
21st centuries.*
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Arts like theatre and cinema work, in the words of Anne Übersfeld, with
a double enunciation: the viewpoint and thoughts of the characters are
one of the enunciations, and it is by definition multiple insofar as a
play or a film has, most of the time, more than one character; the
viewpoint of the stage-director or film director is the second, which is
more allusive, and elusive, and sometimes controversial for the very
reason that it is less clearly formulated. This potential ambiguity may
sometimes lead to misunderstandings between a playwright or a
stage-director and the audience, all the more so when the work is political.
While conscious of this difficulty which is common to plays and films,
20^th and 21century- artists (novelists, playwrights, film and
stage-directors) have often delved into the potentialities of
considering, presenting and representing narration and the narrative
voice with much more freedom than their predecessors, sometimes
consciously playing with that very ambiguity and always inventing new
narrative situations. This seminar proposes to explore what becomes of
this narrative voice in both theatre and cinema.
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*From the novel to the film: What becomes of the homodiegetic narrative
voice?*
As far as film is concerned, we shall focus on the homodiegetic voice in
Genettian terms ie that which in the novel leads the narrative and
imposes the point of view, associating narration and focalization
together with character. In literature, a homodiegetic voice is meant to
be constant and restricted to the conscience of the
character-narrator-focaliser so as to preserve its credibility. The
cinematic equivalent is grammatically more ambiguous and versatile. We
shall endeavour to see through a series of case studies how film adapts
this particular narrative voice.
Our theoretical tools will be borrowed from Brian McFarlane’s theory of
adaptation (1996) which picks up from what Barthes had proposed in the
field of literature : two main categories of functions (distributional
and integrational), which can themselves be subdivided to include
cardinal functions and catalysers on the one hand and informants and
indices on the other. According to McFarlane, the first three are
directly transferable from one medium to the other, while the /indices/
could only be introduced into the adapting medium through adaptation
proper. The narrative voice ranks first in the constellation of elements
that compose the /indices/.
The homodiegetic voice systematically reminds its reader of the
character whose thoughts, feelings and experiences it is supposed to
convey. The literary homodiegetic voice may certainly be heard in a
cinematic voiceover as well but it cannot be more than intermittent in a
fiction film.
Other means must be implemented, invented so to speak, by the film
medium: subjective camera, the composition of screen space, and more
generally internal focalisation as redefined by McFarlane. The speakers
may deal with as many aspects as they wish: temporal, linguistic,
visual, musical elements or notions of editing. Some of these means
require to be confronted with the reality of the case studies that will
be proposed, which will allow us no doubt to further the discussion from
McFarlane’s starting point. We shall limit our scope to the adaptation
of narratives (short stories, novellas or novels) in the classical sense
of the term (mostly Victorian or Edwardian).
*From the novel to the stage : what becomes of the narrator ?*
Adapting novels is a common enough practice on the contemporary stage,
whether it is the creation of a novelist turned playwright, of a
playwright who adapts the novel of another, or of a stage-director who
found inspiration in a novel which he brought to the stage.
According to Muriel Plana, « far from merely turning an original work
into another, and losing something in the process, adaptation is a
complex construction made up of a series of intercessory mediations, and
which is less and less penetrable, between a work of art which is seen
as the material, the support or the source of inspiration, and
theatrical practice which does not recognize it as original anymore. The
19^th century artists adapted works, the 20^th century artists rewrite
them, reconstruct them, and the original work, which may be reduced to
the storyline of the novel, bursts in the process.” (Our translation).
This one-day conference aims at exploring the passage from the novel,
the story, to the stage in anglophone theatre in the 20^th and 21^st
centuries, concentrating more particularly on the narrative voice: be it
hetero or homodiegetic, taken charge of by a character, an actor or a
disembodied voice, which may be see as the equivalent of the voice-over
in a film, the narrative voice is the stylistic specificity of the novel
and, as such, is necessarily the object of deep concern. While
contemporary theatre often frees itself from generic distinctions,
adapters, playwrights and stage-directors show their ingenuity in the
way they take on the narrative voice, giving it room, creating a
specific stage space for it, which is not limited to stage directions
but can effectively be heard and seen on stage.
Proposals may concern all kinds of adaptations from novels to plays, but
also hybrid or transgeneric creations.
Please send all proposals (between 250 and 300 words), in English or in
French, to Marianne Drugeon
(<mailto:marianne.drugeon@univ-montp3.fr>marianne.drugeon@univ-montp3.fr) and
Luc Bouvard
(<mailto:luc.bouvard@univ-montp3.fr>luc.bouvard@univ-montp3.fr) by
March 14th 2016.