PROBLÉMATIQUES INSULAIRES
États en question, questions d’État
8-9 décembre 2016
Université Blaise Pascal
Clermont-Ferrand, France
En 2015, la liste des territoires non-autonomes, au sens des Nations Unies, comprend 17 entrées. Il s’agit là d’une réduction considérable par rapport à la situation qui prévalait en 1946, quand des dizaines de territoires constituaient un inventaire du colonialisme européen. Il est toutefois une particularité de la liste de 2015 qui n’apparaissait pas avec autant de relief dans l’après-guerre : la prédominance des territoires insulaires. Seul l’ancien Sahara espagnol et Gibraltar ont des frontières terrestres. Et encore, l’implantation géographique du rocher de Gibraltar lui a donné une dimension quasiment insulaire dans le passé, quand il était isolé du reste de la péninsule ibérique par les politiques espagnoles, lors de la fermeture de la frontière. On est donc en droit de penser que les îles sont un cas particulier dans le processus de décolonisation et qu’elles présentent des problématiques spécifiques, qui sont à d’interroger le concept même de décolonisation.
Ce colloque dans un premier temps, posera cette question de terminologie. Le terme même de décolonisation nécessite une définition, voire une redéfinition.
Certains historiens font remarquer qu’il n’est entré dans le dictionnaire qu’après que la plupart des puissances coloniales ont abandonné leur tutelle sur les territoires en question. Selon la définition qu’en donne aujourd’hui Gary Thorn (End of Empires : European Decolonisation 1919-1980, Hodder, 2001), la décolonisation est « …le processus historique par lequel les puissances européennes qui avaient établi des empires dans le monde non-européen ont cessé d’exercer leur autorité dans ces pays ». De plus, Thorn explique qu’il utilise l’adjectif « historique » en référence aux historiens à l’origine du concept. Pour les peuples « décolonisés », le terme peut toutefois sembler inapproprié dans la mesure où il incarne exclusivement la perspective du colonisateur qui a décidé à la fois de la colonisation et de la décolonisation. Les « décolonisés » sont donc dépossédés de l’action et perçus comme passifs face aux événements politiques et militaires lorsque le terme décolonisation est utilisé pour décrire la mise en place d’une forme d’autorité qui entraîne la fin du pouvoir colonial.
Dietmar Rothermund (The Routledge Companion to Decolonisation, 2000) voit, aussi la décolonisation comme un processus historique, et citant des dictionnaires et encyclopédies qui la définissent comme « l’octroi de l’indépendance » ou « mettre un terme au statut colonial d’un territoire », ce qui nous ramène aux objections ci-dessus. Michael Collins (The Encyclopedia of Empire, Wiley-Blackwell, 2015) dans sa définition reconnaît l’importance des décisions du « centre » sur le devenir de la « périphérie » mais il cite également le rôle clé qu’ont joué (at qui jouent encore) des « nationalistes anti-coloniaux ».
Nous invitons les participants à proposer leurs propres définitions de ces processus. Est-ce que les pays à décoloniser selon l’ONU peuvent être mieux décrits comme des pays ayant comme objectif l’auto-détermination ? D’autres choix sémantiques sont-ils possibles ?
Dans un second temps, ce colloque proposera des études de cas de ces territoires îliens qui montrent une grande diversité dans leurs populations (taille, origine, etc.), leurs modèles économiques ou politiques. Dans certains cas, les populations ont pu se prononcer sur le maintien du statu quo institutionnel. Certains territoires ont fini par être intégrés totalement au pays colonisateur, comme Mayotte, devenue département et région d’outremer français en 2011, alors que le reste de l’archipel des Comores accédait à l’indépendance dans les années 1970.
La Polynésie française, elle, a été réinscrite sur la liste des territoires non autonomes en 2013, contre l’avis du gouvernement français. La Nouvelle Calédonie, se trouve dans un processus long, accompagné par les autorités françaises, visant à mettre en œuvre l’autodétermination du territoire dans un contexte apaisé faisant suite aux graves événements des années 1980.
Plusieurs territoires britanniques, en particulier dans l’espace caribéen, ont connu un développement dans le cadre d’une économie financière offshore, s’attirant ainsi de nombreuses critiques de la part d’organisations non gouvernementales, voire de certains gouvernements. Les Îles Malouines, sont depuis longtemps, l’objet d’un conflit de souveraineté mettant aux prises l’Argentine et le Royaume-Uni, conflit qui pose la question de l’application du principe d’autodétermination.
Les îles Tokelau offrent la particularité de dépendre de la Nouvelle Zélande, ancienne possession impériale britannique, et d’avoir récemment rejeté l’indépendance-association. Dans ce cas précis, le nombre d’électeurs ne dépassait pas quelques centaines. Pour Pitcairn, la population est encore plus réduite, ce qui ne peut que poser la question des modalités de la décolonisation
L’objet du colloque est donc d’apporter un regard sur les évolutions institutionnelles, géopolitiques et sociologiques de ces espaces insulaires non-indépendants. Dans ces régions, quelle est la nature des revendications pour l’autonomie aujourd’hui ? Quelles formes politiques prennent-elles en particulier dans les contextes où la question de la composition du corps électoral est un enjeu important ? Comment peut-on analyser les questions identitaires qui se lient souvent aux revendications politiques ? La dimension économique, en particulier la possession d’une zone économique exclusive, telle que définie par la convention de Montego Bay de 1982, pourra également être traitée. Les communications pourront porter sur les aspects théoriques et/ou pratiques.
Les propositions de communication sont à envoyer à Marc Fourches et Sandhya Patel avant le 25 avril 2016 en français et en anglais. Réponse fin juin.
marc.fourches@univ-bpclermont.fr
sandhya.patel@univ-bpclermont.fr
ISLAND-STATE ISSUES – THE ISSUE OF ISLAND-STATES
8th-9th December, 2016
Université Blaise Pascal
Clermont-Ferrand, France
In 2015 only seventeen territories remain on the United Nations list of Non-Self Governing Territories (NSGT), which is a significant reduction in numbers compared to the situation after the War in 1946 which was of course representative of the global spread of European colonialism of the time.
One particular characteristic of the list, which distinguishes it from previous UN catalogues, is that the territories « to be decolonised » are practically all islands (excluding Western Sahara, and Gibraltar which, in the past, could have been considered as an island with relation to Spanish border policy in the region). One possible assumption here is then that islands should be considered as cases in point in the more general (though complex) “process of decolonisation” (UN).
The starting point will be then what is meant by decolonisation as the term may perhaps have lost its pertinence as far as the 2015 list is concerned. Redefining the semantic parameters of such terminology is thus one of the objectives of this conference. Historians underline the fact the word did not enter the dictionary until after the fact, when most colonial powers had already withdrawn or relinquished their hold on particular territories. The term today is generally understood (see for example Gary Thorn, End of Empires: European Decolonisation 1919-1980, Hodder, 2001) as “…the historical process by which the European powers who had established empires in the non-European world ceased to rule those regions”. Thorn goes on to argue that he uses the term “historical” because it was invented by historians to describe the process. General criticism allows that peoples being “decolonised” may conceive of the term as an inappropriate category as decolonisation highlights the colonisers’ perspective, those who colonised and then decided to decolonise – those who initiated and then reversed the process. The colonised peoples are then represented as being passive and submitting to political and military practice (see Thorn). The definition put forward by Dietmar Rothermund (The Routledge Companion to Decolonisation, 2000) also refers to decolonisation as a historical process. But he focuses only on the colonies acquired and lost/let go in Africa, Asia, the Caribbean and the Pacific, thus positing that decolonisation occurs in sites on the other side of sea spaces. He also cites dictionaries which generally today define decolonisation as the “granting of independence, to release from being a colony” which raises the same objections outlined above. Michael Collins (The Encyclopedia of Empire, Wiley, 2015) in his definition also recognises the privileging of decisions made at the “centre” concerning the future of the “periphery” which elides the crucial role which local politics and politicians played, and continue to play, in the whole process. This cursory discussion then interrogates the continued use by the UN of the term decolonisation with reference to the 17, in majority, island territories which “remain to be decolonised” and which are “non self-governing.”
This conference thus invites discussion and proposals on terminology with particular reference to islands. Some questions would be for example whether the UN’s term, territories which “remain to be decolonised”, should be reworked? Would “nationalisation” better describe the current politics of self-government? Is the objective now self-government? May we differentiate between decolonisation and self-government in terms of process and end-result? Do these terms adequately describe changing and developing expressions of political autonomies on islands? What new concepts may describe island identity politics, so radically different from those which destabilised imperial powers in the 20th century?
The conference will also engage with case studies of island territories which all differ from each other in their demographical, economic, social and political make-up. In certain cases, local populations have been able to vote in the maintenance of an institutional status quo. Others have become part of the national (colonial) community like Mayotte which became a French Overseas Department (département d’outre mer) in 2011 while the other Cormoro Islands became independent in 1970. French Polynesia appeared on the UN list in 2013 despite French opposition. New Caledonia is in the midst of what are sometimes described as long-term procedures of appeasement, aimed at introducing self-government after the violence of the 1980s. Several British territories, particularly in the Caribbean, are off-shore economies and have become the focus of critical attention on the part of NGOs and certain governments. The Falkland Islands have long been a bone of contention between Argentina and the United Kingdom as regards sovereignty, but this conflict also raises attendant issues relating to self-determination. The Tokelau Islands remain a New Zealand dependant territory after two referendums proposing self-government failed, with a notably low voter-turnout. Pitcairn, another tiny island territory also has a very small population and the question of « decolonisation » may here be extremely specific.
Within these island territories what sort of claims for self-government, if any, are coming to the fore? What political or economic forms are these claims taking especially in contexts within which fraught electorate questions are apparent? Does identity politics play a particular role in claims for self-government, autonomy, decolonisation (terms to be decided on)? What elements are common to all of these islands, if any? This conference will also address questions relating to the development of institutional or economic frameworks with relation to the advancement, stagnation or reversal of claims for self-government on islands which in UN terms should be « decolonised ».
Proposals engaging with any of these issues to be sent to Sandhya Patel and Marc Fourches before the 25th April, 2016.