Documents soumis par la commission de la recherche à l’assemblée d’octobre 1997.
- Recommandations de la SAES concernant l’encadrement et l’évaluation de la recherche
- Recommandations relatives à l’habilitation reproduites plus bas.
Recommandations de la SAES concernant l’encadrement et l’évaluation de la recherche
Comme il a été annoncé dans le rapport d’activité du président à l’assemblée générale du 18 mai 1997, à Nice, nous publions ci-dessous le premier texte de recommandations élaboré par la Commission de la recherche de la SAES. Un deuxième texte, concernant plus particulièrement l’habilitation à diriger des recherches, sera publié dans le prochain Bulletin. L’ensemble des deux textes sera inscrit à l’ordre du jour de l’assemblée générale d’octobre.
Afin que puissent être corrigées certaines disparités notoires dans les pratiques et évités certains abus et dérives, il a été demandé à la Commission de la recherche de la SAES de faire quelques recommandations au sujet de l’encadrement et de l’évaluation de la recherche dans le cadre des études doctorales. Ces recommandations s’adressent d’abord aux professeurs et maîtres de conférences habilités à diriger des recherches, mais elles concernent aussi plus largement l’ensemble de la communauté des anglicistes, et notamment les doctorants.
Il n’appartient évidemment pas à la SAES de prescrire des règles ni d’exercer des contrôles. La SAES n’a aucunement l’intention, comme cela se fait dans d’autres sociétés savantes universitaires, de proposer à la signature de ses adhérents une “charte éthique”. La Commission estime, en revanche, qu’il est dans l’intérêt de tous de veiller au respect de quelques principes simples, ce qui permettra notamment que s’effectuent dans les meilleures conditions possibles les procédures de recrutement et la gestion des carrières.
1. Le rôle du directeur de recherche
Du fait des conditions dans laquelle se prépare la thèse de doctorat nouveau régime, la responsabilité du directeur de recherche se trouve considérablement accrue. En conséquence, on ne peut que rappeler le principe selon lequel une directeur de recherche ne doit accepter de diriger des thèses que dans son domaine, ou ses domaines, de compétence. Dans les autres cas, il est normalement de son devoir d’adresser les candidats qui le consultent à des directeurs de recherche véritablement spécialistes du sujet envisagé. Il peut aussi avoir recours à une forme de collaboration : outre la possibilité d’une cotutelle institutionnelle de la thèse entre universités françaises et étrangères (effectuée dans les conditions fixées par l’arrêté du 18 janvier 1994), la solution d’une codirection de fait doit être choisie chaque fois qu’elle permet de donner l’indispensable garantie scientifique que tout candidat et la communauté des anglicistes sont en droit d’attendre.
2. Le choix du sujet
Seul un véritable spécialiste peut conseiller en connaissance de cause le candidat au moment de la définition et de l’inscription du sujet de thèse. La commission recommande qu’une grande attention soit accordée à la définition du sujet, à sa pertinence et à sa cohérence scientifique, et que compte soit tenu de l’état de la recherche, tant en France qu’à l’étranger.
S’agissant de l’orientation des futurs doctorants, d’autre part, il serait imprudent de ne pas prendre en compte le contexte universitaire et les perspectives de carrière. À ce propos la SAES a l’intention de mettre en place une sorte d’observatoire des études doctorales permettant de faire apparaître dans quelles spécialités et selon quelles proportions se répartit la population actuelle des doctorants. Un fichier actualisable pourrait être constitué à partir des données fournies par le fichier de Nanterre, les statistiques fournies par le Ministère (notamment sur les DEA) et les relevés d’inscription en doctorat fournis pour chaque université par les correspondants de la SAES. Les résultats de cette étude devraient ensuite être mis en regard du chiffre prévisible des départs à la retraite et, en tenant compte des spécialités des futurs retraités ainsi que des évolutions probables, on devrait pouvoir déterminer les secteurs en voie d’engorgement et les secteurs où se dessine au contraire une forte demande.
3. La thèse
D’après l’arrêté du 30 mars 1992, “en formation initiale, la durée recommandée de préparation du doctorat est de trois années”. Dans notre discipline, et surtout quand il s’agit de doctorants déjà engagés dans une activité professionnelle à plein temps, il est raisonnable d’envisager une prolongation d’au moins une année.
La thèse elle-même doit être soigneusement rédigée et il appartient au directeur de recherche d’indiquer au candidat les normes reconnues qui permettront une présentation cohérente et homogène de son travail, notamment en ce qui concerne l’indispensable appareil critique. La dimension de la thèse est nécessairement variable en fonction de la nature du sujet, mais on peut indiquer que celle-ci ne devrait pas normalement être inférieure à 300 pages ni supérieure à 500 pages, en prenant pour base une page de 30 lignes et de 2250 caractères ou espaces environ. Un soin particulier doit être apporté à la confection et à la présentation des éléments périphériques de la thèse, bibliographie, index, annexes éventuelles et table des matières. Le bons sens indique que c’est dans l’intérêt du candidat de faire en sorte que sa thèse soit de lecture aisée et facile à consulter.
La thèse est en principe toujours rédigée en français, la traduction des citations faites en anglais étant éventuellement fournie en note. Si une dérogation peut exceptionnellement être accordée par le président d’une université, on ne peut que déconseiller à tout candidat qui envisage de faire une carrière universitaire en France de rédiger sa thèse en anglais.
Il est enfin nécessaire de rappeler aux candidats le principe fondamental de la propriété intellectuelle. Certains cas, heureusement rares, de plagiat avéré ont été récemment constatés. Il est certain que la pratique généralisée du traitement de texte et les facilités de consultation et de copie que procurent les nouvelles technologies créent des conditions qui facilitent le plagiat. Il convient à ce propos de bien mettre les candidats en garde et de rappeler que le plagiat peut entraîner l’invalidation de la thèse et la traduction de son auteur devant le conseil de discipline de l’université.
4. L’évaluation de la thèse
De façon générale, l’évaluation des thèses ne peut se faire avec la sérénité nécessaire que si l’on parvient à une gestion apaisée du calendrier. Concentrer comme on le fait aujourd’hui la majorité des soutenances dans les deux mois qui précèdent la date ultime de dépôt des candidatures à un poste de maître de conférences entraîne une précipitation qui ne peut que desservir les candidats. En tout état de cause, il conviendrait que le Ministère fasse connaître le plus tôt possible, chaque année, le calendrier de la procédure de recrutement. Il conviendrait d’autre part que les délais soient strictement respectés par les candidats et que les exemplaires de la thèse soient déposés un mois avant la date de remise des rapports préalables à la soutenance, permettant ainsi aux rapporteurs, choisis pour leur qualité d’experts, de procéder à une évaluation argumentée de la thèse et de donner un avis circonstancié. Il est à noter que l’on peut faire appel à des rapporteurs étrangers, et que les rapporteurs ne font pas forcément partie du jury.
Dans toute la mesure du possible, le jury doit être composé, au moins en majorité, de spécialistes reconnus dans le domaine scientifique spécialisé correspondant au sujet de la thèse. L’arrêté de 1992 indique que le jury comprend au moins trois membres, et l’on peut légitimement estimer souhaitable dans de nombreux cas qu’il en comprenne un ou deux de plus, surtout quand le sujet de la thèse présente un caractère pluridisciplinaire.
La fonction du président du jury ne doit pas être considérée comme essentiellement honorifique. Il appartient au président, bien entendu, de veiller au bon déroulement de la soutenance, mais c’est lui qui préside la délibération et qui assume la responsabilité du rapport. Pour ce qui est de la délibération, le nombre de mentions “très honorable avec félicitations du jury” décernées est assurément excessif et cette mention risque de s’en trouver bientôt dévaluée. Même si l’idée d’un quota semble inapplicable, les présidents de jurys doivent veiller à ce que la mention “très honorable avec félicitations du jury” ne soit pas accordée abusivement, surtout dans le cas où le rapport fait apparaître que la thèse a donné lieu à la formulation de réserves expresses. On pourrait envisager d’étendre la règle qui, dans certaines universités, veut que les félicitations du jury ne puissent être accordées qu’à la suite d’une vote à bulletin secret. Même si la mention “honorable” doit en tout état de cause continuer à indiquer que le candidat n’a pas vocation à faire carrière dans l’enseignement supérieur français, les deux autres mentions, assorties des indications d’unanimité ou de simple majorité, doivent permettre de disposer d’une véritable échelle d’évaluation.
Le rapport demeure la responsabilité du président du jury. Celui-ci peut le rédiger à partir des éléments que lui communiquent les membres du jury. La pratique du “copier-coller”, aujourd’hui répandue, ne le dispense pas pour autant de veiller à ce que le rapport final reflète équitablement la manière dont s’est déroulée la soutenance, à ce qu’il soit homogène quant à la forme et fidèle à la nature des interventions quant au fond. C’est le président, en fin de compte, qui est responsable de la cohérence générale de l’évaluation de la thèse et de la relation de congruence qui doit exister entre la mention décernée et la teneur du rapport. Les écarts souvent constatés entre mention et rapport ne peuvent que discréditer les jurys, compliquer le travail des commissions de spécialistes et du CNU et desservir l’intérêt des candidats.
Recommandations concernant l’habilitation à diriger des recherches (HDR)
Annoncé dans le Bulletin ndeg.43, p. 9, le texte ci-dessous fait suite aux propositions de recommandations concernant l’encadrement et l’évaluation de la recherche. L’ensemble des deux textes est inscrit à l’ordre du jour de l’assemblée générale du 4 octobre 1997.
Référence des textes officiels :
Arrêté du 23 novembre 1988
Circulaire d’application du 5 janvier 1989.
Circulaire du 27 octobre 1992.
Rappel du texte de Michel Baridon
Intitulé “Pour une harmonisation nationale de la procédure d’habilitation”, il avait été rédigé à la demande de la 11e section du CNU et publié dans le Bilan scientifique en études anglaises (rapport de la commission Genet-Teyssandier, oct. 1991), pp. 22-23 et dans le Bulletin de la SAES, n° 20, déc. 1991, pp. 21-22. Six ans environ après sa rédaction, ce texte n’a rien perdu de sa pertinence. Bon nombre des recommandations qu’il fait sont reprises ici. Tout au plus peut-on, comme il nous est demandé de le faire et à la lumière de l’expérience acquise depuis, expliciter certains points, évoquer quelques aspects supplémentaires et moduler certains avis. Compte tenu des enjeux scientifiques et humains de l’HDR, on ne peut que continuer à travailler “pour une harmonisation nationale de la procédure d’habilitation”.
Remarques préliminaires
– Dans le cadre de la réforme des études doctorales, l’HDR a été substituée au doctorat d’État. Elle sanctionne “la reconnaissance du haut niveau scientifique du candidat, du caractère original de sa démarche dans un domaine de la science, de son aptitude à maîtriser une stratégie de recherche dans un domaine scientifique ou technologique suffisamment large et de sa capacité à encadrer de jeunes chercheurs” (A 23-11-1988). Que l’HDR soit en outre “un diplôme dont la finalité essentielle, sinon exclusive, est de permettre l’accès au grade de professeur des universités” (C 5-01-1989) ne doit pas faire oublier sa première fonction.
– L’aptitude à diriger des recherches ne peut pas être vérifiée directement. C’est “le haut niveau scientifique du candidat”, ainsi que “son aptitude à maîtriser une stratégie de recherche” qui permettent au jury d’apprécier par inférence “sa capacité à encadrer de jeunes chercheurs”.
– Il découle de la remarque précédente que si la qualité scientifique des travaux réunis par le candidat doit être le premier critère d’évaluation du dossier, celui-ci doit aussi manifester de manière exemplaire les qualités de réflexion méthodique, d’organisation, d’analyse et de synthèse du candidat. On est également en droit d’attendre d’un futur directeur de recherche qu’il prête une attention scrupuleuse à la présentation de ses travaux et de leur appareil critique.
– Les textes officiels rappellent que l’HDR n’est pas une deuxième thèse, et qu’elle n’a pas pour objet de sanctionner l’achèvement d’un cursus universitaire. “Il s’agit d’une procédure qui doit, certes, être organisée de manière à garantir la haute qualité scientifique des candidats mais qui doit rester légère” (C 27-10-1992).
– À noter, enfin, que certains Conseils scientifiques et Écoles doctorales ont adopté des règles ou des normes auxquelles, bien entendu, le candidat doit se soumettre.
Recommandations
1. Le calendrier
Il a été rappelé qu’on “ne saurait […] exiger du candidat des conditions de délai pour [son] inscription” (C 27-10-1992). L’avis unanime des directeurs de recherche de la 11e section qui ont été consultés va toutefois dans le sens d’un délai raisonnable. Le bon sens indique qu’il n’est pas possible de fixer un calendrier précis valable pour tous. Sauf dans le cas de candidats chevronnés dont la carrière de chercheur confirmé a été retardée pour une raison particulière, il semble sage de recommander que le candidat à l’HDR attende environ 5 ans après la soutenance de sa thèse. Ce délai doit permettre l’indispensable maturation de sa recherche et la constitution d’un dossier qui, dans son propre intérêt, doit être substantiel et répondre aux critères rappelés plus haut.
2. La direction
Même si le rôle du directeur n’a pas été expressément prévu par les textes, la possibilité de présenter l’HDR “avec l’appui d’un directeur de recherches” est reconnue (C 5-1-1989). Cette possibilité est devenue, à juste titre, une pratique courante. On ne peut que recommander que les candidats choisissent assez tôt leur directeur afin que celui-ci leur évite des erreurs dans la conduite de leurs recherches et qu’il guide leurs choix dans la perspective de la constitution d’un dossier cohérent. Si l’on peut estimer préférable que le candidat choisisse un “directeur d’habilitation” qui ne soit pas son ancien “directeur de thèse” et souhaitable qu’il aille le chercher ailleurs que dans sa propre université, il semble difficile en pratique d’en faire une règle.
3. La thèse
Il n’est pas question que la thèse soit examinée une deuxième fois, mais il est souhaité par la plupart des jurys qu’elle soit jointe au dossier, sauf peut-être dans le cas où elle a été récrite et publiée sous la forme d’un ouvrage qui figure dans le dossier. Le rapport de thèse devrait également être joint. Ceci pour permettre au jury d’évaluer en connaissance de cause le parcours du candidat.
4. Les publications
“Le dossier de candidature comprend soit un ou plusieurs ouvrages publiés ou dactylographiés, soit un dossier de travaux” (A 23-11-1988). En pratique, peuvent figurer dans la composition d’un dossier d’HDR tous les travaux de caractère scientifique du candidat : ouvrages, éditions critiques, articles, contributions à des ouvrages collectifs, traductions, et autres travaux. En quantité, on peut estimer que 200 à 250 pages de travaux originaux est le minimum requis. S’il s’agit principalement d’articles, il est souhaitable que ceux-ci aient été publiés dans des revues françaises ou étrangères reconnues des spécialistes et dotées d’un comité de lecture, et que plusieurs soient rédigés en anglais. Si plusieurs articles portent sur le même sujet, ceux-ci ne doivent pas être exagérément répétitifs mais, au contraire, suffisamment différenciés. Certaines universités demandent que les articles soient réunis en un volume relié, ce qui rend effectivement leur consultation plus commode, surtout si les pages sont imprimées dans un caractère uniforme et numérotées de façon suivie. Dans le cas d’un livre, on peut accepter qu’il figure dans le dossier sous la forme d’un dactylogramme, l’existence d’un contrat d’édition présentant toutefois un intérêt évident. On évitera de joindre au dossier des publications de caractère journalistique. Les manuels et documents de cours ne seront pas non plus normalement considérés comme des pièces du dossier scientifique, mais lorsqu’ils résultent effectivement d’une recherche originale leur présence dans le dossier pourra être argumentée.
Quelle que soit sa composition, le dossier d’habilitation doit être cohérent et présenter une certaine unité (choix du corpus primaire, thématique, méthodologie, etc.). Il est recommandé aux futurs candidats de conduire leurs recherches et leurs travaux en conséquence.
5. Le document de synthèse
“Une synthèse de l’activité scientifique du candidat” est obligatoirement jointe au dossier (A 23-11-88). Un soin tout particulier doit être apporté à sa rédaction. Certains conseils scientifiques exigent que la synthèse compte de 80 à 100 pages. 50 pages paraît être un strict minimum. La synthèse ne doit pas se limiter à un simple historique ni à un résumé des travaux effectués. Elle doit permettre d’apprécier la cohérence de la démarche scientifique, de mesurer le parcours accompli, ses étapes, sa méthodologie, les points de résistance rencontrés et les directions nouvelles vers lesquelles va s’orienter la recherche du candidat.
La description des activités du candidat au sein d’équipes ou de centres de recherches, formations doctorales, sociétés savantes, etc. peut être insérée dans le même document de synthèse ou figurer à part.
La substance du document de synthèse sera résumée dans l’exposé liminaire du candidat.
6. Le jury
Comme pour la thèse, il est recommandé que le jury soit composé, au moins en majorité, de spécialistes reconnus dans le domaine scientifique spécialisé correspondant à la nature du dossier. La composition du jury est fixée à l’article 6 de l’arrêté du 23-11-1988.
Le rapport du jury constituera dans la suite de la carrière du candidat, et notamment pour les commissions de spécialistes et les rapporteurs du CNU, un document de première importance. Comme pour la thèse, il est établi sous la responsabilité du président du jury. En l’absence de tout système d’évaluation par mention, il appartient au président du jury de veiller à ce que ce rapport reflète équitablement la manière dont s’est déroulée la soutenance.