Le genre manifeste
Depuis plusieurs dizaines d’années, les travaux universitaires sur le « genre » se multiplient en France comme à l’étranger, dans des disciplines diverses et à partir de perspectives complémentaires. Ce colloque, événement fondateur du groupe pluridisciplinaire « Philomel », manifeste notre volonté de fédérer les travaux et activités sur le genre menés à Sorbonne Université et de leur donner de la visibilité.
L’étymologie du terme nous rappelle qu’est « manifeste » ce qui peut être touché par la main, ce qui est palpable. Ce qui est manifeste, c’est-à-dire évident ou notoire, doit donc pouvoir se toucher du doigt, prendre une dimension concrète et (com)préhensible.
Lorsque le terme n’est plus adjectif, mais substantif, il se dit d’une déclaration publique, et par extension d’une publication qui annonce de nouvelles manières de voir les choses. Un manifeste, artistique, littéraire ou politique, vise une rupture : c’est cet objet concret qui donne à entendre, à voir, à saisir, une nouvelle vision du monde, accompagnée de nouvelles pratiques et manières de faire, qu’il crée en partie de manière performative. Et au « manifeste » peut répondre un « contre manifeste »…
Lorsque le terme se fait verbe, lorsque l’on manifeste, c’est que l’on veut « rendre manifeste », visible, une position, une présence ou une existence, et ainsi la faire connaître. Une manifestation, au sens où nous l’entendons aujourd’hui lorsque nous parlons d’un mouvement social ou d’un rassemblement, est destinée à « rendre manifeste » quelque intention politique.
C’est tout cela que le titre du colloque donne à entendre, en jouant aussi, et de manière simultanée, sur la richesse polysémique de l’autre terme, le « genre » : le genre comme construction normative (et remise en cause) des différences sexuelles ; le genre comme caractère commun, famille, ordre, classe, catégorie, ce qui vise aussi les rapports entre « manifestes » et genres apparentés (lettres ouvertes, pamphlet…).
On voit poindre bon nombre de questions. Par exemple, s’il existe un genre « manifeste », si l’identité sexuelle est construite de manière manifeste, évidente et visible, n’est-ce pas sous-entendre aussi que le genre ne serait qu’illusion, semblant, théâtre ? Et si le genre peut effectivement se manifester, ce qui dérègle ou trouble ce théâtre du genre ne peut-il du coup, également, se manifester ? Quelles sont alors les manifestations, textuelles, visuelles/plastiques, corporelles/gestuelles, sonores/musicales, théoriques, politiques, de telles opérations consistant à défaire, troubler, ou neutraliser le genre ? Existe-t-il des modalités particulières de ces manifestations qui pourraient permettre de les regrouper en familles ? Si oui, une histoire de ces modalités est-elle envisageable ? ? Si le genre se manifeste par des actes, des mots, et des interactions, comment ces manifestations microscopiques s’articulent-elles avec les manifestations plus permanentes, structurelles et macroscopiques d’institutions « genrées » ?
Bien d’autres questions pourront se greffer sur ces premiers exemples. Ce colloque veut amener à se rencontrer les champs et les disciplines sans exclusive aucune : musicologues, littéraires, philosophes, sociologues, historiens, géographes, et médecins notamment, sont invités à venir débattre ensemble de ces questions.
Les propositions (maximum 300 mots) sont à envoyer, accompagnées d’une brève bio-bibliographie, avant le 15 avril 2019 à :
Frédéric Regard : flook@orange.fr
et Anne Tomiche : tomicheanne@gmail.com
qui feront suivre au comité scientifique, composé de Bernard Banoun, Pierre-Marie Chauvin, Victor Coutolleau, Catherine Deutsch et Judith Sarfati Lanter