6–7 février 2017 Paris
Partis politiques et religions (XXe-XXIe siècles)
APPEL À COMMUNICATIONS
Les interactions entre religion et partis politiques ont été étudiées selon diverses perspectives : l’origine religieuse des partis politiques sous l’angle du « clivage religion- Etat » en Europe occidentale ; les modalités de l’identification religieuse des partis « démocrates-chrétiens » ; les stratégies d’influence de l’Eglise sur diverses organisations politiques; la constitution, les mobilisations, la rhétorique, les réseaux et les modes d’actions des partis islamistes dans le monde arabo-musulman ; la socialisation religieuse des militants des organisations politiques ; les déterminants religieux du vote ; les modes d’identification nationale et religieuse en Asie ; l’évolution du rôle des partis religieux en Israël ; l’émergence d’organisations politiques chrétiennes en Afrique Sub-Saharienne, etc.
La compréhension des interactions entre religion et partis politiques a donc largement intéressé la recherche. Cependant, certains aspects ont été négligés. Dans ce cadre, l’intérêt de ce colloque est triple.
D’abord, il entend dépasser les divisions géographiques habituelles pour nouer un dialogue entre les spécialistes d’aires culturelles différentes. Les recherches sur les partis islamistes, les organisations chrétiennes en Afrique Sub-Saharienne, les partis religieux en Israël, ou les partis démocrates-chrétiens européens restent le plus souvent cloisonnées. Ce colloque a pour objectif de favoriser les échanges entre spécialistes de diverses aires culturelles et de susciter ainsi des perspectives comparatives.
Ensuite, la littérature sur les interactions entre partis et religion prend le plus souvent pour point de départ l’organisation partisane. Relevant essentiellement de la science politique, la religion demeure souvent dans ces travaux une boîte noire. Ce colloque entend questionner ce qu’est exactement la religion lorsque celle-ci est mobilisée, plus ou moins explicitement, dans la sphère partisane. Quels aspects de la religion sont pertinents pour saisir les comportements politiques et électoraux ? Peut-on parler de « rapport religieux » aux institutions politiques ? Les analyses des différents aspects de la socialisation religieuse, des conceptions de la « vérité » religieuse et ses éventuelles incompatibilités avec le principe de la souveraineté populaire, les dissonances entre croyances religieuses et mobilisations partisanes, les conversions de pratiques et rituels religieux dans la sphère politique, sont au cœur de nos préoccupations.
Ce colloque est enfin pensé comme une rencontre pluridisciplinaire qui permettra aux sociologues et anthropologues du fait religieux et aux politistes en prise avec la question de la religion de dégager des voies de renouvellement des articulations du religieux et du politique, sous l’angle de la formation et des dynamiques du champ partisan.
À cette fin, quatre axes de recherche seront privilégiés :
1) Sociologie historique de l’institutionnalisation partisane de l’identification religieuse
Que ce soit en Europe, au Moyen-Orient ou en Asie, l’émergence de partis confessionnels est corollaire de la démocratisation de la lutte politique. En raison de la structuration de la société et de ses élites, l’appartenance religieuse est souvent la première identité disponible pour mobiliser électoralement la population. Les partis confessionnels se construisent alors en reconvertissant en politique des sociabilités, des hiérarchies et des représentations du monde construites au sein de la sphère religieuse. Si cette description est pertinente pour l’Europe, dans quelle mesure des processus de ce type sont-ils identifiables dans d’autres aires géographiques et avec quelle chronologie ? Dans quelle mesure les partis religieux sont-ils des vecteurs paradoxaux de socialisation politique, en développant le sens civique et le savoir-faire militant des populations en vue de contrer l’autonomisation de la sphère politique par rapport aux formes coutumières du contrôle social et religieux ? Quelles transformations les partis politiques religieux traversent-ils à mesure que la société se politise et que le champ politique s’autonomise des clivages sociaux et religieux ?
2) La variable religieuse en sociologie électorale
L’appartenance religieuse est généralement considérée comme une variable lourde dans l’explication du vote, en France comme dans les démocraties occidentales en général. Si les recherches sur le « vote musulman » sont récentes, les travaux sur le vote juif et le vote catholique sont maintenant des classiques de la science politique. Les recherches convoquant une sociologie électorale encore balbutiante dans les sociétés du Maghreb et du Machrek sont par ailleurs les bienvenues. Dans cet axe, il s’agit tant d’interroger les transformations de la variable religieuse dans le vote que de saisir ce qui exactement fait sens électoralement dans la croyance et/ou la pratique religieuse. Quelles variations peuvent être observées au sein d’un même groupe religieux entre différents pays ? Le caractère objectivé de cette variable joue-t-elle sur les stratégies des partis ? Quelles stratégies de marketing politique les partis peuvent-ils déployer à l’égard de cette clientèle électorale spécifique ?
3) La ressource religieuse dans la construction des entreprises partisanes
Que ce soit dans leur forme organisationnelle, leur orientation programmatique ou leur labellisation, les partis politiques sont le produit d’une compétition interne pour le leadership, et d’une compétition avec d’autres partis pour la domination du champ politique et la conquête des postes de pouvoir. Dans quelle mesure les capitaux nécessaires à la
compétition pour le leadership partisan peuvent-ils être spécifiques aux partis confessionnels ? Au sein des partis, les croyances religieuses peuvent-elles être orientées en vue de conférer au militantisme des rétributions spécifiques ? Comment un parti politique peut-il négocier son autonomie à l’égard des autorités religieuses qui régulent l’identité dont il se fait le défenseur? Dans quelle mesure leur programme doit-il être marqué religieusement ? Quels jeux de présentation de soi ad intra et ad extra sont nécessaires dans ces partis pour concilier représentation religieuse et représentation nationale ou électorale ? Comment les professionnels de la politique assument-ils leur affiliation religieuse? Comment en jouent-ils dans l’arène médiatique ? Dans la compétition interpartisane, quels répertoires d’action cette identité rend-elle possible ou impossible? Une fois au gouvernement, quels politiques spécifiques les partis confessionnels peuvent-ils mettre en œuvre ? Comment maintiennent-ils l’autonomie de l’Etat à l’égard des autorités religieuses ?
4) La régulation religieuse du phénomène partisan.
Dans cet axe, il s’agit de prendre pour objet d’observation et d’analyse les autorités religieuses, tant dans leurs rapports pluriels avec les organisations partisanes que dans leurs rapports politiques avec les fidèles. Sont ici privilégiées les enquêtes portant sur le leadership religieux, ce à diverses échelles (nationales ou locales). Les études sur les structures transnationales (comme l’Organisation de la Conférence islamique, ou L’Eglise catholique romaine) dans la mesure où elles tentent, de diverses manières, d’influencer les organisations politiques nationales, sont les bienvenues. Plusieurs questions se posent ici. Au sein des religions, comment la socialisation politique des fidèles est-elle contrôlée ? De quelles façons les autorités religieuses tentent-elles de peser sur le choix politique des fidèles lors des échéances électorales? Quelles stratégies les autorités religieuses développent-elles à l’égard du personnel politique ? Dans quelle mesure les autorités religieuses peuvent-elles peser sur le leadership d’un parti ? De quelles façons les autorités religieuses et les leaders politiques peuvent-ils se trouver en situation de concurrence pour la représentation du groupe religieux ? Sur quelle division du travail politique peuvent-elles s’entendre ?
Ce colloque est préparé en lien avec le bureau de l’AFSR par :
Les propositions de communications doivent nous parvenir avant le 26 septembre sous la forme suivante :
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un titre (provisoire) de communication, et l’axe du colloque choisi.
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une présentation en une page de l’objectif poursuivi et du type de données utilisées.
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une courte notice biographique.
Les documents seront envoyés par e-mail à nos trois adresses : m.ait.aoudia@sciencespobordeaux.fr ; philippe.portier@gsrl.cnrs.fr ; yann.raison-du- cleuziou@u-bordeaux.fr
La décision sur les propositions sera communiquée très rapidement, de manière à ce que chacun puisse préparer son texte dans de bonnes conditions. Les textes sont attendus le 11 janvier. Il conviendra aussi de fournir avec le texte une page de résumé, qui sera diffusée à tous les participants.