Colloque international, Clermont-Ferrand, 5-7 avril 2018
Université Clermont-Auvergne – CELIS
« Rêve et création littéraire dans Frankenstein et le roman féminin aux XVIIIe et XIXe siècles »
En juin 1816, dans une maison au bord du lac Léman, une jeune fille qui n’avait pas encore 19 ans fit un rêve qui donna naissance à l’un des plus grands mythes contemporains et à un texte majeur du romantisme britannique. Ce rêve qui inspira Frankenstein est resté célèbre grâce à la préface que Mary Shelley rédige pour l’édition de 1831, dans laquelle elle décrit une expérience proprement visionnaire : « I saw – with shut eyes, but acute mental vision, – I saw the pale student of unhallowed arts kneeling beside the thing he had put together […]. » On oublie cependant parfois que ce rêve faisait suite à un autre rêve de réanimation datant de l’année précédente, alors que la future romancière venait de perdre son premier enfant, une petite fille née prématurément qui ne reçut pas de nom : « Dreamt that my little baby came to life again; that it had only been cold, and that we rubbed it before the fire, and it lived. Awake and find no baby » (19 mars 1815).
Du rêve – ou des rêves – présidant à l’écriture, le roman glisse vers le récit de rêve. Impossible en effet de considérer l’importance du rêve pour Frankenstein sans évoquer le cauchemar de Victor juste après l’éveil de sa Créature (volume I, chapitre IV), qui reste l’une des scènes les plus commentées de l’œuvre. Alors que 2018 marquera le bicentenaire de la publication de Frankenstein, ce colloque vise, dans un premier temps, à retourner aux origines oniriques du roman et à explorer les déclinaisons de la thématique du rêve chez Mary Shelley. Toutes les propositions visant à examiner sous un angle nouveau ces trois rêves seront les bienvenues, ainsi que celles qui porteront sur toute l’œuvre de la romancière, où le rêve joue souvent un rôle prémonitoire (Valperga, Matilda, « The Dream »…). On pourra élargir le propos à la rêverie que Mary Shelley aborde également dans sa préface lorsqu’elle distingue les rêves éveillés de sa jeunesse, « all [her] own », et ses écrits, destinés à être lus par d’autres.
Roman rêvé, roman du rêve, Frankenstein offre un point de départ privilégié pour l’exploration du rêve dans la créativité et la création au féminin. Dans un deuxième temps, nous souhaiterions étudier les rapports entre rêve et écriture chez les romancières britanniques, particulièrement la contradiction fondamentale selon laquelle une expérience vécue comme subie et venant d’ailleurs (« My imagination, unbidden, possessed and guided me », écrit par exemple Mary Shelley) devient le point de départ de l’écriture, alors que la rêveuse passive se transforme en sujet créateur. C’est ici le rapport à une altérité ontologique qui se joue, cette prise en compte de l’autre en soi dont on se demandera si elle a quelque chose de spécifiquement féminin. On s’intéressera aussi bien aux rêves authentiques évoqués dans les écrits personnels qu’aux rêves diégétiques, dont le statut véritablement onirique reste d’ailleurs à préciser. Entre signe de maîtrise narrative et libre expression d’un contenu en partie inconscient, le récit de rêve conduit à questionner l’ensemble de la structure romanesque dans laquelle il est inséré : participe-t-il d’un accès au sens du récit ou bien relève-t-il in fine d’une hétérogénéité radicale ?
Se pose alors la question de l’autorité, que l’on pourra analyser en prolongement de travaux comme ceux de Margaret Anne Doody (“Deserts, Ruins and Troubled Waters: Female Dreams in Fiction and the Development of the Gothic Novel”, 1977) et de Ronald Thomas (Dreams of Authority, 1990) sur le roman gothique et sur le XIXe siècle, ou de Julia Epstein dont l’important ouvrage sur Burney, The Iron Pen (1989), emprunte son titre au cauchemar qui assaille l’héroïne de Camilla. Nous aimerions placer l’expérience créatrice de Mary Shelley en résonnance avec celles de ses contemporaines, comme Frances Burney ou Ann Radcliffe, mais aussi des auteures qui l’ont précédée ou suivie (Jane Barker ou les sœurs Brontë, par exemple), depuis la fin du XVIIe siècle jusqu’à la fin du XIXe, voire au-delà si cela se révèle pertinent. Le roman sera le genre privilégié, mais la poésie et le théâtre pourront être abordés si les textes et les auteures choisis offrent des pistes d’analyse intéressantes.
Langues de travail : anglais (de préférence) et français.
Merci d’adresser vos propositions à Isabelle Hervouet-Farrar et à Anne Rouhette à l’adresse suivante : dreamconference2018@gmail.com, avant le 30 septembre 2017.
Comité scientifique :
Caroline Bertonèche, Université de Grenoble
Lilla Maria Crisafulli, Università di Bologna
Isabelle Hervouet-Farrar, Université Clermont-Auvergne
Anne Rouhette, Université Clermont-Auvergne
Victor Sage, University of East Anglia
Jean Viviès, Université d’Aix-Marseille
International Conference, Clermont-Ferrand, 5-7 April 2018
Université Clermont-Auvergne – CELIS
« ‘with shut eyes, but acute mental vision’: Dream and Literary Creation in Women’s Writings in the 18th and 19th Centuries »
In June 1816, in a house on the shores of Lake Geneva, a young girl of barely 19 had a dream which would turn out to be the source of one of the greatest contemporary myths of modern times. This pivotal dream has remained prominent thanks to the preface that Mary Shelley wrote for the 1831 edition of Frankenstein, in which she describes a vivid, integrally visionary experience: “I saw – with shut eyes, but acute mental vision, – I saw the pale student of unhallowed arts kneeling beside the thing he had put together […].” In a lesser-known dream, a year earlier, Shelley brings her premature, unnamed first-born back to life: “Dreamt that my little baby came to life again; that it had only been cold, and that we rubbed it before the fire, and it lived. Awake and find no baby” (19th March 1815).
Dreams in Frankenstein are at the heart of the writing process but they also constitute the diegetic substance of the narrative. Victor’s nightmare, which follows the opening of the Creature’s “dull yellow eye” (Volume I, chapter 4), is difficult to overlook in any critical consideration of the importance of dreams in the novel. To mark the bicentenary of Frankenstein’s publication in 1818, this conference will re-examine the previously-recognised oneiric facets of the novel and develop fresh perspectives on dreams and dreaming in Mary Shelley’s fiction. Proposals with a special focus on those three dreams, as well as on other works by Mary Shelley in which dreams are often premonitory (Valperga, Matilda, “The Dream” for example), are particularly welcome. Discussion may also extend to analyses of day-dreaming which Mary Shelley also refers to in her preface when she distinguishes between her youthful fancies, “all [her] own”, and her fiction, destined to be read by others.
In addition, the oneiric character of Frankenstein is particularly relevant in any reappraisal of the textuality of dreams and their link to women’s creativity and creation as a whole. Accounts of real dreams in diaries and letters may interrogate the paradox of the invasion of Self by a radically Other force (“My imagination, unbidden, possessed and guided me”, wrote Mary Shelley), when the passive dreamer turns into a waking creative subject. Ontological alterity may be considered as being located at the core of such processes. Is there a specifically female understanding or expression of this encounter with the Other within? Literary dreams, whose putative oneiric nature needs further clarification, oscillate between narrative dexterity and the expression of possibly subconscious scenarios. How significant is a character’s dream? Is it radically inconsistent and heterogeneous? We therefore also invite papers on these, and other, connections between dream and fiction in novels written by Shelley and other female novelists.
Thus, the central issue of authorial intention in novels (or in poetry or plays if relevant), published from the end of the 17th century to the late 19th century, is the line of enquiry which this conference hopes to pursue. How is Mary Shelley’s creative outlook and experience mirrored in the writing of her contemporaries’ (Frances Burney’s or Ann Radcliffe’s for example), or in that of female authors who came before or after her (Jane Barker and the Brontë sisters for example)? Approaches developed by Margaret Anne Doody (“Deserts, Ruins and Troubled Waters: Female Dreams in Fiction and the Development of the Gothic Novel”, 1977), Ronald Thomas (Dreams of Authority, 1990, on the Gothic and nineteenth-century novels) or Julia Epstein on Burney (The Iron Pen, 1989) may be particularly pertinent here.
Papers may be given in English (preferably) or in French.
Please send your proposals to Isabelle Hervouet-Farrar and Anne Rouhette at dreamconference2018@gmail.com before 30th September 2017.
Scientific committee:
Caroline Bertonèche, Université de Grenoble
Lilla Maria Crisafulli, University of Bologna
Isabelle Hervouet-Farrar, Université Clermont-Auvergne
Anne Rouhette, Université Clermont-Auvergne
Victor Sage, University of East Anglia
Jean Viviès, Université d’Aix-Marseille