les 9 et 10 novembre 2017. l’E.A. CLIMAS, l’Université Bordeaux Montaigne Le Mensonge / Lying

l’E.A. CLIMAS, l’Université Bordeaux Montaigne les 9 et 10 novembre 2017.

Les propositions sont à adresser avant le 30 janvier 2017 à :

Pascale Antolin, Pascale.Antolin@u-bordeaux-montaigne.fr, Arnaud Schmitt, arnaud.schmitt@u-bordeaux.fr ou Nathalie Jaëck, nathalie.jaeck@u-bordeaux-montaigne.fr

Le Mensonge / Lying

 Si l’on s’en réfère au dictionnaire Littré, le mensonge est un discours contraire à la vérité, tenu dans l’intention de tromper. Comme l’ironie, le mensonge est affaire de perception et d’interprétation, et il existe dans un espace de virtualité : s’il n’est pas signalé ou nommé par un co-locuteur, il peut ne pas être perçu et demeurer à jamais une intention non concrétisée. Contrairement à l’ironie, en revanche, il n’est pas défini comme une figure de rhétorique. Il ne désigne pas la position particulière d’un énonciateur par rapport à son propre discours mais bien une position déviante vis-à-vis de faits.

Le mensonge conteste le réel et la vérité, les déforme, soit qu’il serve les intérêts de celui ou de celle qui le produit, soit qu’il puisse les desservir en advenant de manière compulsive ou pathologique. Il peut ainsi signifier un dessein ou une stratégie radicalement différents : mécanisme de défense (de soi ou d’autrui), jeu plus ou moins pervers, structure pathologique, intérêts politiques, effet hyperbolique, omission pudique ou protectrice, refus d’une certaine tyrannie de la vérité ou de la transparence…

Il n’a pas non plus l’apanage de l’écart par rapport à la vérité ou au réel. S’il est délibéré, le discours erroné, lui, ne l’est pas : il marque souvent un état d’ignorance ou des connaissances défaillantes. Quant au fabulé, il provient du travail imaginaire dont la fiction ou nos confabulations quotidiennes sont issues. La différence entre le mensonger et le fabulé réside à la fois dans l’objectif intersubjectif que l’énonciateur s’est fixé et dans la vraisemblance affichée du discours.

De manière spécifique, le mensonge déstabilise les aspirations à la véracité, ou tout simplement les récits référentiels. Il n’a pas la même fonction selon les genres ou les grands mouvements littéraires. Dans le roman réaliste, par exemple, son destin est souvent d’être démasqué, et de venir finalement renforcer une logique de stabilisation du réel et un discours de la vérité. Dans le roman moderniste, en revanche, il marque la perte de confiance d’une époque dans ces repères traditionnels que sont vérité et réalité, en particulier. Plus que tout autre genre, c’est l’autobiographie sans doute qui en subit le plus régulièrement les affronts, précisément parce qu’elle repose sur une convention de fidélité au réel : en témoignent les scandales littéraires récents (Frey, Defonseca, Mortenson…). Ces autobiographes malhonnêtes (dishonest memoirists) retirent un intérêt personnel, souvent pécuniaire, de leurs fabulations. Jusqu’au « illness memoir » qui se trouve contaminé, comme l’illustre, en particulier, Lying. A Metaphorical Memoir (2000) de Lauren Slater.

Les pratiques mensongères peuvent être particulièrement subtiles et élaborées – Françoise Lavocat parle notamment dans Fait et Fiction de « fictionnalité imparfaite ou [de] factualité abusive » – mais l’actualité politique récente (élections américaines ou campagne autour du Brexit, par exemple) démontre à quel point elles peuvent aussi être grossières, et relever d’un mode agonistique de rapport au discours. Le mensonge qui se revendique comme tel sans pour autant se juger disqualifié, version moderne presque glorifiante du mensonge éhonté, est alors une arme rhétorique désarmante, violente dans son paradoxe. Il n’est alors plus réellement lié au réel ou à la vérité. Désincarné, il devient pure idéologie, ou pure stratégie discursive. Dès 2004, Ralph Keyes, dans son ouvrage The Post-Truth Era: Dishonesty and Deception in Contemporary Life, officialisait notre entrée dans une ère de relativité, signalant un nouveau rapport décomplexé au mensonge.

Ce colloque sera donc l’occasion d’examiner diverses occurrences pertinentes du mensonge dans la littérature, la BD, le cinéma (particulièrement des films dont la diégèse est issue d’un discours mensonger, tel Usual Suspects de Bryan Singer), la vie politique ou les médias des pays anglophones, et nous chercherons à en analyser les intentions et les stratégies diverses, mais aussi l’intérêt ou la pertinence. Nous nous demanderons si le mensonge existe différemment en contexte, si certaines périodes historiques, certains genres, certains contextes géographiques, sociaux, politiques ou personnels sont plus ou moins propices au mensonge, et pourquoi. Nous essaierons de repérer les mensonges iconiques, les grands mensonges historiques, les menteurs superbes ou pitoyables qui jalonnent la culture anglophone ; nous nous intéresserons au mensonge quand il devient stratégie de communication ; nous verrons qu’il peut aussi être convoqué comme argument de disqualification, et devenir l’outil d’un certain révisionnisme, la base fantasmée d’un contre-discours paranoïaque – les Américains n’auraient pas marché sur la lune en 1969, par exemple. Enfin, dans le sillage du colloque organisé par CLIMAS en 2012 sur les « narrateurs fous », nous aimerions poursuivre le travail entamé sur la non-fiabilité des narrateurs de fiction et étudier ces narrateurs/personnages qui nous mentent, mais surtout la façon dont les auteurs qui les créent utilisent le mensonge pour établir avec le lecteur ce que Wayne Booth a appelé « une communion secrète dans le dos du narrateur » (« secret communion of the author and reader behind the narrator’s back »), « communion » longuement étudiée par Jim Phelan, notamment dans Living to Tell About It.

 

If you look up the word “lie” in the Oxford dictionary, it is defined as an intentionally false statement, meant to deceive. Like irony, lying is a matter of intention and interpretation, and it exists in a virtual space. Indeed, if it is not reported or simply detected by somebody else, a lie never exists as such, and in a way never reaches its potential. However, unlike irony, it is not regarded as a figure of speech. It does not refer to the particular position or strategy of a speaker with regard to his/her own words, but instead to the deceitful nature of these words.

Lying challenges facts and truth and distorts them. It either works in the interests of the liar or, when it becomes compulsive or pathological, against them. It can thus designate fundamentally different purposes or strategies: defense mechanisms (for the self or other), games (with various degrees of depravity), pathological patterns, political agendas, hyperbolical effects, protective or chaste omissions, or even the refusal to comply with the tyranny of truth or transparency.

But lying is not the only way to deviate from truth or facts. While a lie is deliberate, erroneous statements often are not; they simply stem from ignorance or incomplete knowledge. As for fabulation, it is the crucial precondition to the creation of fiction and to our daily and necessary confabulations. The difference between lying and fabulating can be found both in the speaker’s intersubjective intention and in the level of verisimilitude, or the apparent veracity of his/her words.

 

More specifically, lying destabilizes both truth-telling and referential narratives, but it does not play the same role from one literary genre (or one literary movement to another). In the realist novel, for instance, lying is often meant to be exposed so that the logic of stability and truth will eventually prevail. In the modernist novel, on the other hand, lying represents a loss of confidence in such traditional references as truth and reality after WW1. More than any other literary genre, autobiography is regularly tainted with the indignity of dishonesty—as confirmed by recent scandals (Frey, Defonseca, Mortenson…). “Dishonest memoirists” draw a personal interest, often big money, from their untruthfulness. Even “illness memoirs” can be affected by the same dishonesty—though it is called “metaphor”—as Lauren Slater’s Lying. A Metaphorical Memoir (2000) proves.

Dishonest practices can be either subtle and sophisticated—in Fait et Fiction Françoise Lavocat speaks of “imperfect fictionality and abusive factuality”­—but recent political events like the Brexit campaign and the American presidential campaign prove that dishonesty can also be blatant and can reveal agonistic speech practices. Deliberate lying, which makes no attempt to disguise itself, becomes a glorious, modern version of outright dishonesty, and a disarmingly violent rhetorical weapon. Lying, in such cases no longer bears any relationship to truth or reality. It becomes disembodied and nothing more than an ideological or discursive strategy. As long ago as 2004, Raph Keynes claimed in his book The Post-Truth Era: Dishonesty and Deception in Contemporary Life that we had entered a new era of prevailing relativity, involving a new, uninhibited relationship to lying.

 

In this conference, we will therefore examine different occurrences of lying in Anglophone literature, films and comics, but also in the media or the political life of Anglophone countries. We will analyse the various intentions and strategies, as well as the artistic interest and pertinence of the phenomenon. We will consider to what extent lying occurs differently in different contexts, and why this should be so, whether certain historical periods, genres, geographical, social, political or personal contexts are more favourable to lying. We will focus on iconic lies, important historical lies, and the flamboyant and pitiful liars who exist in Anglophone culture and politics, but we will also examine lying characters in fiction. We will analyse lying as an increasingly common communication strategy. We will also examine how it can be used as a disqualifying argument, and can become a tool for revisionism, the fantasized basis of a paranoid counter-discourse—the Americans did not walk on the moon in 1969, for example. And finally, in the wake of the conference organized by CLIMAS in 2012 on “Mad Narrators,” we would like to continue working on the non-reliability of narrators of fiction, and study the narrators who lie to us, as well as the way in which the authors who create them use their lying to establish with the reader what Wayne Booth has called “a secret communion of the author and reader behind the narrator’s back », a phenomenon Jim Phelan studied extensively in Living to Tell About It.

 


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