Mardi 25 février 2020, l’entretien a duré 90 minutes.
Représentants des sociétés savantes composant la délégation : Sébastien Barot, Vice-président de la SF2E, Patrick Lemaire, Président de la SFBD, Sylvie Pittia, Présidente de la SoPHAU, Stéphane Seuret, Président de la SMF
Calendrier de la Loi:
Philippe Baptiste reconnaît les problèmes de communication autour de la LPPR et souligne les interférences entre le calendrier du projet de loi retraites, la LPPR et diverses contraintes d’agenda (dont l’absence de session parlementaire l’été en raison des travaux dans l’hémicycle). Il évoque une possible publication de l’avant-projet avant les municipales en dépit de l’encombrement législatif, une discussion peut-être à l’automne 2020 (octobre ?) ou bien en cas d’impossibilité de faire passer une loi en 2020, des mesures qui seraient intégrées au Projet de Loi de Finance 2021. Il y a une probabilité 50-50 que la loi soit promulguée en 2020, sinon en 2021. Dans tous les cas, une trajectoire budgétaire pourrait être fixée dès le budget 2021.
Cadre de la loi :
La loi doit décrire principalement l’esprit et la direction voulue par le gouvernement pour améliorer l’attractivité du métier et de la recherche, mais pas forcément les détails d’application. Nombre de mesures viendront ensuite sous forme de décrets et d’ordonnances (et en principe de nouvelles discussions seront ouvertes dans la phase intermédiaire). Cela se passera avec le MESRI principalement. Il faut prévoir entre avril et octobre des discussions importantes.
Ce qu’il y aurait dans la loi (selon notre interlocuteur)
– la trajectoire budgétaire principalement, avec une trajectoire en termes d’emploi également
– des mesures financières pour améliorer les rémunérations (mais rien annoncé de concret pour le moment en termes de chiffrage), il est reconnu que s’il n’y a pas de revalorisation massive, les personnels de l’EN et de l’ESR seront les grands perdants de la réforme des retraites
– augmentation « massive » des CRCT, des délégations auprès des organismes, postes IUF (il est rappelé en réponse la nécessité de compenser la charge de travail supplémentaire pour les autres personnels non bénéficiaires de ces périodes « allégées » en enseignement)
– des mesures financières pour augmenter la dotation de l’ANR et amener le taux de succès autour de 30%, ce qui est vu comme le moyen principal de refinancement des établissements par le gouvernement.
– augmentation des préciputs de l’ANR (pour 100 euros versés sur projet, 50 versés en plus à l’organisme ou l’établissement).
– une enveloppe budgétaire importante qui serait répartie entre les établissements en fonction de leurs projets scientifiques, et discutée annuellement avec le MESRI.
– d‘autres points que notre interlocuteur présente comme « moins fondamentaux » au regard des points précédents, comme les « tenure tracks », le droit à l’image (liste non exhaustive). Les « tenure tracks » (du moins selon PhB) ne viendraient pas en remplacement des postes permanents ―ici nous soulignons la réticence de la communauté sur ce type de postes même si ces postes restaient minoritaires.
Ce qu’il n’y aurait pas dans la loi (selon notre interlocuteur)
– modification de la référence aux 192h ETD pour les EC. Et il n’est pas envisagé non plus de faire baisser le nombre d’heures d’enseignement.
– modifications concernant le CNU.
– pas de nouveau mécano institutionnel (on ne discute pas la question de savoir s’il y a trop d’organismes de recherche).
Principaux points d’interventions de la délégation des Sociétés savantes :
– état de désarroi des communautés scientifiques, radicalisation des réactions et mise en péril de la rentrée universitaire ; conséquences désastreuses de la méthode suivie faites de petites phrases délétères en l’absence de publication d’un avant-projet. Nous avons souligné le manque de clarté et les provocations inutiles dans les messages du gouvernement et/ou d’A. Petit (Pdt CNRS) qui laissent imaginer des mesures allant contre la volonté des EC et C. Nous signalons une tension grandissante dans les universités, notamment provoquée par ce flou et par les diverses fuites de documents.
– tenir deux principaux objectifs dans la LPPR : le volet financier et le volet RH de la loi. Il ne faudra pas sacrifier l’un pour l’autre si les contraintes budgétaires se font trop fortes.
– insistance sur l’emploi scientifique de titulaires pour remplacer les départs et consolider les secteurs qui ont perdu dans les dernières années ; danger de la précarité qui s’est généralisée
– insistance sur la charge de travail, la situation de rupture des EC (rappel de la revendication de 150h comme référence du service statutaire)
– demande d’une revalorisation salariale à toutes les étapes de la carrière, et pas seulement le début (en rappelant que les rémunérations sont un élément de l’attractivité et que la prise en charge des dépenses professionnelles par les établissements ou laboratoires est très variable selon les champs disciplinaires)
– faire en sorte que l’Etat devienne un acteur volontariste de l’emploi des docteurs dans le champ scientifique bien sûr, mais aussi beaucoup plus largement dans la haute fonction publique (rappel de la demande de réserver 20% postes aux titulaires d’un doctorat, déception sur ce point à la lecture du rapport Thiriez), rôle d’incitation pour les collectivités territoriales et la R&D privée. L’Etat, qui forme les docteurs et investit dans toutes les disciplines, doit en profiter et montrer l’exemple et le cap pour amorcer un mouvement significatif d’embauche dans les entreprises publiques et privées et créer ainsi une spirale positive de reconnaissance de la qualité de notre formation.
– mieux prendre en compte le cas des doctorants qui sont en poste dans le secondaire et peinent à obtenir une mise en disponibilité auprès des rectorats
– quid du CIR ? comment vérifier que les aides sont efficaces ? possibilité de conditionner le CIR (hors TPE) à l’embauche de docteurs ―a priori cela ne relève pas de la LPPR, mais pourrait donner lieu à des discussions entre ministères.
– comment le gouvernement conçoit-il le pilotage de la recherche et quel sens mettre derrière le mot « pilotage » ? à quel niveau de granularité ce pilotage peut-il se faire ? s’agit-il d’un pilotage thématique ? (voir plus bas les liens possibles avec la loi PACTE)
Autres éléments à retenir de la discussion et des déclarations de Philippe Baptiste :
– maintien de l’emploi scientifique, dans la limite des interventions du ministère avec la LRU (chaque établissement a sa propre politique). Le budget des universités et organismes serait donc consolidé.
– trop d’universités auraient des fonds de roulement considérés comme excessifs par Bercy, ce qui nuit aux arbitrages budgétaires avec ce ministère
– les critères des dotations aux établissements sont actuellement opaques, une contractualisation permettrait de mieux doter ceux qui ont des projets solides (il est bien question des établissements (Universités) et non des COMUE). C’est à cela que faisait référence plus haut l’enveloppe budgétaire importante du MESRI qui serait répartie entre les universités et organismes selon leurs projets scientifiques, discutée annuellement. Cela serait un budget supplémentaire par rapport à aujourd’hui, le montant (Note : 500M€ demandés par le MESRI), l’évaluation et la forme de financement ne sont pas précisés. Nous mentionnons les possibles dérives d’un pilotage scientifique qui aboutirait à valoriser des «thématiques en vogue ».
– nécessité de revoir la façon de dimensionner les projets retenus par l’ANR (permettre une plus grande variété des dimensions) : cela ne relèvera pas de la LPPR, mais sera forcément discuté dans les mois qui viennent.
– sur l’embauche des docteurs dans la R&D privée : faible lisibilité des compétences en comparaison de celles détenues par les ingénieurs, formatage insuffisant qui rend le diplôme peu lisible pour les recruteurs RH (Philippe Baptiste a dirigé la R&D chez Total). Ph.B. considère qu’il y a un effort à faire dans les établissements pour mieux communiquer sur les apports d’une embauche de chercheurs. Nous soulignons que la formation doctorale est aujourd’hui plus complète et variée qu’auparavant, que le problème n’est pas vraiment un problème de qualité : il y a une certaine hétérogénéité, mais il n’est pas démontré qu’elle soit plus forte entre docteurs des universités qu’entre diplômés de grandes écoles.
– Concernant le pilotage : Une articulation possible entre le pacte productif proposé par Bruno Lemaire et le recrutement par les organismes ou de manière générale le soutien à certaines disciplines : en simplifiant, cela consisterait à recruter des chercheurs et enseignants-chercheurs en amont sur des technologies qu’on prévoit devenir des secteurs-clés dans les décennies à venir. Nous rappelons qu’il est difficile de prévoir à 10 ans les technologies importantes et qu’il est fondamental de maintenir une recherche thématiquement équilibrée et variée.
CR de la Discussion entre une délégation des Sociétés Savantes et la CPU
Le 26 février 2020. La discussion a duré environ 45 min.
Présents pour la CPU : Gilles Roussel, président de la CPU, Christine Gangloff-Ziegler, vice-présidente de la CPU et Guillaume Bordry, Délégué général.
Représentants des Sociétés savantes composant la délégation : Sébastien Barot, Vice-président de la SFEE, Patrick Lemaire, Président de la SFBD, Sylvie Pittia, Présidente de la SoPHAU, Stéphane Seuret, Président de la SMF
Principaux points d’intervention de la délégation des Sociétés Savantes
Questions sur le volet financier de la LPPR
Questions sur l’emploi
Question sur tous les éléments qui permettraient de répondre aux inquiétudes de l’ensemble de la communauté
Annonce préliminaire de la CPU
Elle a dans le passé surtout travaillé sur l’enseignement, mais cherche maintenant à augmenter son influence sur la recherche. De ce fait la CPU se félicite de pouvoir discuter avec le collectif des Sociétés Savantes.
La CPU cherche avant tout à augmenter les chances que la LPPR conduise à une augmentation des budgets, avec une attention particulière portée sur les crédits récurrents. L’objectif affiché est de récupérer de l’argent.
Aspects budgétaires
- La CPU est assez affirmative sur le fait que le budget de la recherche augmentera avec l’accent mis sur le budget de l’ANR et sur des préciputs élevés pour tous les projets allant aux tutelles. Cela peut financer indirectement l’enseignement (vases communicants).
- Le principal obstacle à une trajectoire budgétaire financière favorable n’est pas le MESRI mais le Ministère de l’Economie et des Finances, qui est lui-même très occupé avec la réforme des retraites, ce qui diminue les possibilités d’un refinancement de la recherche. Bercy rechigne à financer une LPPR au-delà de la revalorisation salariale nécessaire à cause de la réforme des retraites.
- La possibilité de voir des crédits arriver par le PIA est aussi évoquée.
- Des crédits supplémentaires (500 millions) seraient aussi donnés aux Universités par contractualisation avec le MESRI en fonction de leurs projets.
- Le besoin d’améliorer le fonctionnement de l’ANR est souligné, mais cela ne sera pas fait dans la loi.
- L’enveloppe financière totale du CIR ne sera pas modifiée mais il serait encore possible de modifier certaines modalités du dispositif pour qu’il favorise plus les liens entre recherche et monde privé (PME notamment).
Emploi
- La CPU est plutôt contre les « tenure tracks » sauf si ce sont vraiment des postes en plus au bout de 6 ans et que l’emploi titulaire est maintenu ou augmenté.
- Les nouveaux apports financiers devraient en théorie permettre de maintenir l’emploi permanent dans les universités au niveau actuel.
- Le sujet de l’emploi des docteurs en dehors du monde académique est abordé mais aucune solution n’est proposée. L’idée d’une tribune entre la CPU et le collectif des Sociétés Savantes est évoquée.
- Le sujet des CDI de chantier est juste mentionné.
- Le sujet de la revalorisation des salaires dans l’ESR est mentionné. LA CPU se montre relativement confiante sur une revalorisation conséquente (mais aucun chiffre n’est avancé).
Autres thèmes évoqués plus rapidement
- Les modèles de répartition nationale des crédits entre établissements ESR ne marchent pas, l’historique étant le critère principal. Un gros chantier à reprendre.
- La cartographie des postes et le risque de voir les disciplines « rares » s’affaiblir encore. Quels éléments de diagnostic et quels moyens de régulation ?
- La crédibilité des menaces qui pèsent sur des fermetures de filière ou des rétentions de diplôme. La CPU doute que les universitaires aient de réels moyens de pression médiatique.
- La formation des enseignants de premier et second degré, avec les réformes en cours, pourrait faire l’objet d’une prochaine réunion CPU-Sociétés savantes.