24 et 25 mai 2019 organisé dans le cadre des activités de l’axe « discours, domaines et milieux spécialisés » de l’EA EA 7332 / CeLiSo (Centre de Linguistique en Sorbonne) : Stratégies et techniques rhétoriques dans les discours spécialisés

Texte de cadrage

Ces journées d’études s’inscrivent dans le prolongement logique du thème des précédentes journées de 2017 qui portaient sur la valeur argumentative de la métaphore dans les discours spécialisés. Comme le rappellent Patrick Charaudeau et Dominique Maingueneau (2002 : 66-67) « l’argumentation est au cœur de la conception ancienne de la rhétorique » et le titre de l’ouvrage de Chaïm Perelman et Lucie Olbrechts-Tyteca (1988) ne dit pas autre chose : la nouvelle rhétorique continue à être étroitement associée à l’argumentation. Par le biais du discours, la démarche argumentative « vise à intervenir sur l’opinion, l’attitude, voire le comportement de quelqu’un » (Jean-Blaise Grize 1990 : 40). La métaphore argumentative ne représente toutefois qu’un des outils qui servent l’argumentation et les fins poursuivies par ceux qui délivrent discours et messages.
L’objet de ces journées d’études est précisément d’élargir l’horizon et d’envisager les divers aspects rhétoriques et les techniques discursives qui permettent aux acteurs des milieux spécialisés de faire adhérer leur public aux idées et projets qu’ils exposent, de justifier leur propos, d’exposer et défendre leur valeurs, leurs actions, leurs positions. Il s’agit d’analyser comment ils mettent en œuvre les stratégies de captation, de crédibilité et de légitimation exposées par P. Charaudeau (1998 : 13-14).
Si la rhétorique antique, née au Ve siècle avant Jésus-Christ, a d’abord eu pour objet, dans un contexte judiciaire, de défendre des intérêts et donc de persuader, l’horizon de cet art exclusivement oratoire s’est élargi, un siècle plus tard, avec Aristote, pour s’ouvrir aux productions écrites. Dans la Rhétorique (1991), Aristote traite de l’art de savoir adapter son discours à son auditoire et de la nécessité de réfléchir aux effets de style appropriés et à la meilleure façon de structurer son raisonnement pour être persuasif. Persuader et convaincre nécessitent de plaire et séduire, d’une certaine manière, ce qui a poussé certains, comme Platon, à associer la rhétorique à des techniques de manipulation et à juger comme immoral ce qu’il qualifie dans son Gorgias (1987) d’« art élaboré du mensonge ». Toutefois, dans la mesure où la rhétorique peut être utilisée à bon comme à mauvais escient, on peut considérer, en suivant Aristote, qu’elle n’est ni morale, ni immorale. De son côté, Cicéron (De l’Orateur 1985) affirme que l’éloquence est l’art de bien dire et qu’elle va de pair avec la conscience morale. À son tour, Quintilien affirmera « qu’on ne peut être orateur si l’on n’est homme de bien » (1980, livre xii). Malgré ces analyses positives, la rhétorique a encore mauvaise presse de nos jours et elle reste bien souvent associée à la manipulation et à la mauvaise foi que dénonçait Platon.
Même si l’enseignement de la rhétorique a été quelque peu délaissé au fil du temps, il est indéniable que de nombreux domaines font appel à des stratégies qui relèvent de cette discipline (ou art). Dans les milieux spécialisés, les experts, orateurs ou auteurs, s’efforcent de mettre leur lectorat ou auditoire dans une disposition bienveillante, de projeter une image positive d’eux-mêmes afin d’inspirer confiance et de donner plus de poids à leur propos ; ils veillent à sélectionner les bons arguments en tenant compte de leur public, de ses attentes, de ses craintes, des informations dont il dispose, des connaissances qu’il a engrangées ; ils se soucient aussi bien des aspects structurels que de la mise en mots de leurs idées ; ils cherchent à plaire (ethos), informer, convaincre (logos) et émouvoir (pathos) pour mieux faire passer leur message et atteindre leur objectif. Ces considérations s’appliquent aussi bien aux scientifiques en quête de reconnaissance de la part de leurs pairs, aux chercheurs, entrepreneurs et créateurs en quête de financement, aux chefs d’entreprise s’adressant à leurs actionnaires, employés ou clients, qu’aux responsables d’institutions politiques et financières, ou encore aux consultants d’horizons variés qui cherchent à élargir leur zone d’influence, pour ne citer que quelques exemples.
En proposant le thème de la rhétorique, nous souhaitons encourager les chercheurs concernés par l’analyse des discours spécialisés, académiques ou professionnels, à s’intéresser aux stratégies rhétoriques mises en œuvre par les acteurs et experts de ces milieux. Les questions suivantes pourront être abordées, mais leur liste n’est pas exhaustive :
– Genres textuels (y compris les nouveaux genres textuels en ligne) ou oraux et rhétorique ;
– Organisation textuelle et argumentation ;
– Logique de la narration et de l’argumentation ;
– Gestion des faces (politesse, euphémisation, approximation travaillée, précautions discursives, non-dit) ;
– Gestion des affects ;
– Figures de rhétorique privilégiées ;
– Effets perlocutoires recherchés ;
– Stratégies de véridiction, de redéfinition, ou stratégies manipulatoires
– Parole d’expert et argument d’autorité / marques de la présence de l’auteur dans le texte
– Rhétorique de persuasion à l’adresse de la communauté des pairs ou élargie dans le cadre de la vulgarisation de la science par les experts
– Spectacularisation du discours oral (à travers les conférences ou discours filmés et rediffusés en ligne)

Références bibliographiques
Aristote, 1991. Rhétorique, Paris, Librairie Générale Française.
Charaudeau, P., 1998. « L’argumentation n’est peut-être pas ce que l’on croit », Le Français aujourd’hui, 123, Paris, 6-15.
Charaudeau P. & Maingueneau, D., 2002. Dictionnaire d’analyse du discours, Paris, Seuil.
Cicéron, 1985. De l’orateur, trad. fr. Edmond Courbot, Paris, Les Belles Lettres.
Grize, J. B., 1990. Logique et langage, Paris, Ophrys.
Perelman, C. & Olbrechts-Tyteca, L., 1988. Traité de l’argumentation. La nouvelle rhétorique, Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles.
Platon, 1987. Gorgias, trad. fr. M. Canto, Paris, Flammarion.
Quintilien, 1980. Institution oratoire, Paris, Les Belles Lettres.
Informations
– Organisatrices des JE : Catherine Resche (catherineresche@club-internet.fr) et Fanny Domenec (fanny.domenec@u-paris2.fr), avec l’aide de Mathilde Gaillard (doctorante)
– Date limite pour l’envoi des propositions de communication aux organisatrices (titre + résumé de 250 à 300 mots + 5 mots clés + mention de l’affiliation et courte biobibliographie) : 30 novembre 2018
– Lieu du colloque : Université Paris IV Sorbonne, Maison de la Recherche, rue Serpente, Paris


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