24 – 25 mai 2019 33e colloque international du CerLiCO Cercle Linguistique du Centre et de l’Ouest UNIVERSITÉ BORDEAUX MONTAIGNE EA CLARE, EA CLIMAS, UMR CLLE-ERSSàB COMPLÉMENT, COMPLÉMENTATION, COMPLÉTUDE: DU LACUNAIRE AU COMPLET

Si la notion de complément est relativement récente, fruit d’une lente élaboration qui trouve son aboutissement au XVIIIème siècle et qui a connu plus tard un avatar appauvri dans la grammaire scolaire, la notion de complétude est beaucoup plus ancienne. On trouve déjà chez les grammairiens grecs le terme d’autoteleia, qui réfère à cette propriété à la fois syntaxique et sémantique que doivent comporter les énoncés bien formés. Curieusement, cette notion est inséparable d’une autre, apparue presque simultanément: celle d’ellipse (elleipsis), qui, tout en désignant littéralement le manque, délimite précisément la nature de ce qui manque et remplit paradoxalement ce manque. Le colloque de Bordeaux se propose justement d’interroger ce jeu de miroir entre les lacunes de l’expression et la complétude à laquelle elles renvoient nécessairement.

Ce questionnement interroge en fait toutes les parties de la grammaire et de la structure linguistique, du phonème au discours. On sait en effet que le langage n’en dit jamais assez et qu’entre la nécessité de se faire comprendre et les contraintes de la parole et de l’échange linguistique, l’exigence d’économie et de pertinence limite fortement l’expansion des faits de langue tant dans les composantes formelles de la langue que dans les compositions discursives qu’elles autorisent. C’est ainsi qu’à ses différents niveaux, la langue recourt à des phénomènes de condensation (grammaticalisation ou stabilisation partielle de procédés énonciatifs ou discursifs telles les constructions grammaticales et/ou lexicales figées, phénomènes d’incorporation dans la construction morpho-phonologique et la « micro-syntaxe » des mots composés…), ou à un jeu sur l’absence (« signe zéro » et pauvreté des systèmes phonologiques, ou nomenclatures lexicales plus ou moins lacunaires, mais aussi l’emploi absolu des verbes, autant de phénomènes qui font souvent jouer la polysémie ou le flou sémantique des unités lexicales et des constructions).

La notion de complémentation pourra être étendue aux phénomènes d’enrichissement de la phrase par insertion et parenthésage, le cas échéant en faisant jouer la notion de prédication seconde. On pourra également s’intéresser aux ajouts, commentaires et termes servant à clôturer la phrase ou l’énoncé, et au-delà, à une étude du discours : la complémentation pouvant être vue comme justification, et notamment comme justification de la complétude ou saturation de l’énoncé. On pourra ainsi s’interroger sur le rapport entre la complémentation et la notion de « supplémentaire », par rapport à un énoncé considéré, à tort ou à raison, comme premier. En sémantique, on pourra également se demander si le commentaire est le complément du topique. Au niveau énonciatif, le contexte pourra être conçu comme complémentation nécessaire à la saturation de l’énoncé. Pourront aussi être un objet d’étude : la construction du référent dans les compléments; la modification de l’ordre des éléments opérant une focalisation sur un complément (dans un an, je serai en train de…≠  je serai en train de… dans un an).

Sans que nos propositions soient exclusives, voici un éventail d’autres thèmes et questions susceptibles d’être explorés dans le cadre de ce colloque :

•    en morphologie, on pourra s’interroger sur l’affixation, c’est-à-dire dans quelle mesure elle peut parfois être considérée comme une complémentation ;
•    en lexicologie, on pourra étudier les noms composés, qui sont un procédé de complémentation du nom de base et en même temps correspondent à un phénomène de réduction : en effet, l’expression de la relation entre les composés doit être inférée ;
•    en syntaxe, pourront être traités :
–    la distinction et la frontière entre complément et circonstant – le terme « circonstant » relevant d’une considération sémantique et le terme « complément » plutôt d’une considération syntaxique ;
–    les notions d’attribut du sujet ou de l’objet (terminologie française) comparées à ce qui est nommé « predicative complement » (à orientation sujet ou objet) dans la terminologie anglaise : dans quelle mesure peut-on considérer ce que l’on dénomme traditionnellement attribut comme un complément ?
–    le statut du syntagme prépositionnel à l’intérieur du GV comme dans aller au lit : l’argument du GV peut-il être considéré comme un circonstant ?
–    le statut du complément d’objet indirect
•    dans le domaine de l’oral, la prosodie, permettant de pallier l’incomplétude ou de détacher un complément, ou bien son rôle complémentationnel avec les contours continuatifs ou parenthétiques apportera un éclairage très utile ;
•    en didactique, des contributions sur le statut de la complémentation dans l’enseignement de la grammaire seront bienvenues ;
•    dans le domaine de la linguistique contrastive, la diversité typologique de la structure des compléments pourra être étudiée ;
•    enfin, dans une perspective épistémologique, pourront être présentées les syntaxes antérieures à l’apparition de la notion de complément ; les théories qui rejettent la notion de complément.

Comité scientifique
Jean Albrespit (U. Bordeaux Montaigne), Nicolas Guillot (U. Bordeaux Montaigne), Vincent Hugou (U. Tours), Christelle Lacassain-Lagoin (U. Pau et Pays de l’Adour), Frédéric Lambert (U. Bordeaux Montaigne), Régis Mauroy (U. Limoges), Pierre-Yves Modicom (U. Bordeaux Montaigne), Susan Moore (U. Limoges), Catherine Moreau (U. Bordeaux Montaigne), Sylvester N. Osu (U. Tours), Philippe Planchon (U. Tours), Olivier Polge (U. Limoges), Joëlle Popineau (U. Tours).

Modalités de soumission
Les propositions de communication sont à envoyer pour le vendredi 19 octobre 2018 sous forme électronique. Elles comporteront une présentation (500 mots / 3000 caractères maximum, plus références) de la problématique et des données, ainsi qu’une brève bibliographie. Elles s’appuieront obligatoirement sur des exemples. Elles pourront être rédigées en français ou en anglais. Les propositions seront examinées anonymement par deux membres du comité scientifique.
Elles sont à envoyer sans mention de l’auteur/des auteurs, par courriel en fichier attaché (format .doc(x) ET .pdf) simultanément à Catherine Moreau et Jean Albrespit à l’adresse suivante : cerlico2019@gmail.com
Merci de bien vouloir indiquer dans le corps du message :
– Le nom de l’auteur (des auteurs)
– Le titre de la communication

Informations pratiques
•    Date limite d’envoi des propositions : 19 octobre 2018
•    Date de notification aux auteurs : 19 novembre 2018
•    Les communicants disposeront de 25 minutes pour leur exposé, qui sera suivi d’une discussion de 15 minutes.
•    Les actes du colloque seront publiés en 2020 dans la série des Travaux Linguistiques du CerLiCO aux Presses Universitaires de Rennes.
•    Les résumés seront diffusés lors de l’inscription au colloque et accessibles sur le site web du CerLiCO.

Les informations concernant le colloque seront disponibles sur le site du CerLiCO (https://cerlicoasso.wordpress.com/)

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33rd international CerLiCO conference

Cercle Linguistique du Centre et de l’Ouest

Bordeaux Montaigne University, France

EA CLARE, EA CLIMAS, UMR CLLE-ERSSàB

Friday 25th – Saturday 26th May 2019

COMPLEMENT, COMPLEMENTATION, COMPLETENESS:
FROM GAPS TO COMPLETION

The notion of complement is relatively recent in French linguistics. It is the result of a slow process which came to fruition in the 18th century and which evolved at a later stage into a simplified version in grammars for schools. However, the notion of completeness is much older. Greek grammarians already used the term autoteleia to refer to the syntactic and semantic feature necessary to any well-formed utterance. Interestingly, this notion cannot be separated from another one which appeared almost simultaneously: that of ellipsis (elleipsis). Ellipsis literally points to something that is missing and at the same time underlines the nature of the omission and paradoxically fills up the empty semantic slot. The conference at Bordeaux aims precisely aims to examine the interplay between omissions in the expression and the completeness to which they necessarily refer.

In reality, these issues impact on all the parts of speech and linguistic structure, from phoneme to discourse. It is a known fact that languages are never fully explicit, and that between the necessity to make oneself understood and the constraints of speech interaction, the principles of economy and relevance drastically curb the expansion of linguistic material, both in structure and in discourse. This means that various linguistic phenomena will come into play: condensation (namely the grammaticalisation or partial stabilisation of processes used at the sentence or discourse level, including grammatical and lexical constructions, collocations, the “micro-syntax” of compounds, and so on) and absence (the zero sign, the limitations of phonological systems, the more or less incomplete lexical networks and the absolute use of verbs are phenomena which reveal the polysemy and the semantic fuzziness of lexical units and constructions).

An extension of the notion of complementation might also be considered and could include devices that make the utterance more complex such as insertion, parenthesis, secondary predication, additions, commentaries and words bringing the sentence or the utterance to a close. At the discourse level, complementation might be considered as a justification and more particularly as a justification of completeness and saturation. The relationship between the notions of “complement” and “supplementary” (defined as relative to a supposedly primary utterance) will certainly require further investigation. In semantics, a question might be whether the comment is the complement of the topic. At the text level of analysis, context might be construed as the necessary complementation of a complete utterance. Other possible issues are the construction of the referent in complements, the modification of the order of elements leading to a focalisation on a complement (in one year, I will be … ≠ (I will be … in one year).

Topics for presentation in the following fields may include (but are not restricted to):

•    Morphology: affixation as complementation;
•    Lexicology: compounding as both the complementation of a noun and a phenomenon of reduction (where the relationship between the words must be inferred);
•    Syntax:
– the distinction and boundary between complements and adverbials (“adverbial” usually being defined semantically and “complement” syntactically);
– the notion of “attribut du sujet/de l’objet” (in the French terminology) as opposed to the “predicative complement” of the English terminology: is an “attribut” a complement?
– the status of the prepositional phrase in verbal phrases such as go to bed: can the argument of the VP be considered as a PP?
– the status of the indirect complement,
•    Speech: prosody can be seen as compensating for incompleteness, placing a complement in a focal position or acting as a complement thanks to parentheticals or continuative intonation,
•    Didactics: the place of complementation in the teaching of grammar,
•    Contrastive linguistics: the typological diversity in the structure of complements,
•    Epistemology: syntaxes before the apparition of the notion of complement and theories that exclude the notion of complement.


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