21-22 novembre 2019 « Laïcité(s) : Religion et espace public/Religion and State in the public sphere » Coorganisé par l’EA 3298 Espaces humains et interactions culturelles (EHIC) (Universités Clermont Auvergne/Limoges) et l’Oxford Center for Methodism and Church History (Oxford Brookes University). Lieu et date du colloque : Clermont-Ferrand,

Colloque international

 

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Texte de cadrage

 

 

Le discours prononcé par Emmanuel Macron le 9 avril 2018 devant la conférence des évêques de France a beaucoup fait parler de lui, notamment en raison de la volonté exprimée par le président français de « réparer » « le lien entre l’Eglise [catholique] et l’Etat » selon lui « abîmé », ainsi que de son appel aux catholiques à « [s’]engager politiquement dans notre débat national et dans notre débat européen car [leur] foi est une part d’engagement dont ce débat a besoin[1] ».

Les réactions parfois hostiles à ce discours ont pu rappeler celles qui avaient accueilli le discours d’un autre président français, Nicolas Sarkozy, lorsqu’il avait estimé publiquement devant le pape Benoît XVI le 20 décembre 2007 que « [d]ans la transmission des valeurs et dans l’apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l’instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur (…) parce qu’il lui manquera toujours la radicalité du sacrifice de sa vie et le charisme d’un engagement porté par l’espérance[2] ».

 

Ces épisodes montrent bien la relation complexe et parfois conflictuelle qui existe (encore) en France entre les religions – et notamment le catholicisme – d’une part et la chose publique d’autre part.

 

On le sait, les relations entre les religions et l’Etat peuvent prendre de nombreuses formes dans le monde d’aujourd’hui. Certains pays connaissent une séparation a priori étanche comme dans le cas de la France où « la République ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte »[3] ; d’autres accordent une place fondamentale à une religion dans l’ordre social à l’exclusion de toutes les autres (c’est le cas dans les monarchies du Golfe et, dans une moindre mesure, en Algérie) ; d’autres encore connaissent une religion d’Etat (comme en Angleterre et en Ecosse) tout en garantissant la liberté de croire ou de ne pas croire et en proscrivant toute discrimination fondée sur la croyance ou l’absence de croyance.

Entre l’extrême de l’athéisme d’Etat qu’a pu connaître l’URSS et que connaissent encore Cuba et la Corée du Nord, et l’autre extrême d’un système fondé explicitement sur les préceptes d’une religion, comme c’est actuellement le cas en Iran, la palette des relations qui peuvent exister entre l’Etat et la Religion est riche. L’objet du présent colloque sera de décrire et d’analyser cette diversité.

 

Ces relations peuvent être regroupées au sein de trois grandes catégories que l’on pourrait dénommer, de façon nécessairement schématique : 1. L’hostilité, 2. La bienveillance, 3. L’indifférence. Il va sans dire que, selon la religion ou la confession considérée, les trois relations peuvent exister simultanément au sein d’un même Etat.

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Plusieurs axes pourraient notamment être privilégiés dans ce cadre :

 

Dans le domaine juridique, on pourra s’intéresser à la façon dont la loi et la jurisprudence encadrent les interventions de la religion dans l’espace public. On pourra aussi s’intéresser, en France, au cas particulier de l’Alsace et de la Moselle depuis 1919. Les communications pourront aussi bien être comparatives que consacrées à un seul système juridique.

Dans le domaine de la civilisation américaine, les spécialistes de l’Amérique du Nord et de l’Amérique latine pourront aussi se pencher sur les évangéliques militants qui – tels le maire actuel de Rio de Janeiro, l’évangélique Marcello Crivella, ou les hommes et femmes politiques de la droite religieuse aux Etats-Unis – briguent des mandats publics et dont la foi fonde explicitement l’action.

Dans le domaine de la civilisation britannique, on pourra partir de la situation très diverse qui existe au Royaume-Uni : deux de ses quatre nations (l’Angleterre et l’Ecosse) ont une Eglise d’Etat, et deux n’en ont pas ; par ailleurs, depuis le XVIe siècle, les évêques et archevêques de l’Eglise d’Angleterre sont nommés par le souverain et 26 d’entre eux siègent au Parlement. On pourra se pencher sur les contestations et les justifications, à travers les siècles, qu’a provoqué cet état de fait de la part des croyants et des non-croyants. On pourra aussi s’interroger sur le rôle de la Secular Society ou de Humanists UK qui se prononcent régulièrement en faveur d’un espace public totalement neutre religieusement.

Dans le domaine théologique, on pourra s’intéresser à la façon dont les Eglises et les religions considèrent l’Etat, ainsi que les différentes théories pouvant exister sur les liens que peuvent ou que doivent entretenir Eglise et Etat. On pourra aussi se pencher sur la pensée sociale de l’Eglise catholique qui postule que la foi rend nécessaire d’intervenir dans l’espace public, comme l’écrivait en 2013 le pape François : « Personne ne peut exiger de nous que nous reléguions la religion dans la secrète intimité des personnes, sans aucune influence sur la vie sociale et nationale, sans se préoccuper de la santé des institutions de la société civile, sans s’exprimer sur les évènements qui intéressent les citoyens »[4].

Cette liste de disciplines et de sujets est purement indicative, et des propositions de chercheurs ou de praticiens venus d’autres domaines sont vivement souhaitées.

 

Les propositions (entre 250 et 350 mots), accompagnées d’une courte présentation biobibliographique sont à envoyer avant le 7 janvier 2019 à Jérôme Grosclaude, jerome.grosclaude@uca.fr

Une publication est envisagée.

Les communications se feront en français ou en anglais.

 

International conference “Religion and State in the public sphere”/“Laïcité(s) : Religion et espace public

 

Jointly organised by the Espaces humains et interactions culturelles (EHIC) research centre (Clermont Auvergne/Limoges Universities)

and the Oxford Center for Methodism and Church History (Oxford Brookes University).

 

Place and time: Clermont-Ferrand (France), 21 & 22 November 2019

 

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Conference guidelines

 

 

The speech given on 9 April 2018 by the President of the French Republic, Emmanuel Macron, before the conference of French Catholic bishops, drew much comment, notably because of the French president’s statement that “the link between the Church and the State has been damaged and (…) it is important to repair it[5]” and also because of his calling for the French Catholics’ “political involvement in our national debate and in our European debate because [their] faith is part of commitment that this debate needs[6]”.

This episode shows the complex – and sometimes confrontational – relation which still exists in France between religions – and in particular Catholicism – on the one hand, and the public and political sphere on the other. The aim of this conference will be to examine this relation in France, in Britain and in other countries.

 

Relations between religions and the State are well known to take multiple forms throughout the world. Some countries know an officially watertight separation between the two, as is the case in France where “the Republic doesn’t acknowledge, endow or subsidise any religion[7]”; others give a primary place to a given religion in the social order, to the exclusion of all others (e. g. the Gulf Monarchies or, to a lesser extent, Algeria); others still have a State religion or established Churches (e. g. England and Scotland) while at the same time guaranteeing freedom of conscience as well as forbidding any faith-based discrimination.

Between the extreme of State atheism (the USSR yesterday and, today, Cuba and North Korea) and the other extreme of a system explicitly based on the precepts of a given religion (Iran), the range of relations between Religion and the State is very wide. This conference intends to describe and to analyse this diversity.

 

These relations broadly fall under three categories, which could be called, for brevity’s sake: 1. Hostility; 2. Favour; 3. Indifference. Depending on the religion/confession under consideration, the three relations can simultaneously coexist in a given country.

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Various perspectives can be adopted by potential speakers to the conference. For instance:

 

In the field of Law, papers could deal with the way legislation and/or case law deal with the intervention of religion in the public sphere. Papers could be comparative, or deal with a single judicial system.

In the field of History of the Americas, a possible topic could be those militant Evangelicals (such as the present mayor of Rio de Janeiro, Marcello Crivella; or men and women from the US Religious right) who run for public office and whose political action is explicitly based on their faith.

In the field of British History, a starting point could be the very diverse situation existing on the subject in Britain with two Nations out of four having a State Church, and twenty-six bishops of the Church of England sitting in the House of Lords. One could also study the challenges and justifications such a state of fact raised throughout the centuries, from believers as well as non-believers. Papers could also deal with the role of the Secular Society and Humanists UK which regularly call for the public sphere to be totally religiously neutral.

In the field of Theology, speakers could study the way in which the Churches and religions see the State, as well as the various theories on the links which should/could exist between Religion and the State. Papers could also deal with the Catholic Church’s social teaching whose premise is that faith makes it necessary for the believer to become active in the public sphere, as Pope Francis wrote in 2013: “no one can demand that religion should be relegated to the inner sanctum of personal life, without influence on societal and national life, without concern for the soundness of civil institutions, without a right to offer an opinion on events affecting society[8].”

This list of academic disciplines and topics is purely indicative, and submissions from researchers and practitioners from other fields are warmly encouraged.

 

Potential speakers are invited to submit a title and an abstract of 250 to 300 words along with a brief bio-bibliography to Dr Jérôme Grosclaude, jerome.grosclaude@uca.fr before 7 January 2019.

It is expected that the papers delivered during the conference will be published as a volume at a later date.

Papers will be delivered in either French or English.

 

[1] « Transcription du discours du Président de la République devant les Evêques de France », http://www.elysee.fr/declarations/article/transcription-du-discours-du-president-de-la-republique-devant-les-eveques-de-france/. Voir aussi « Macron veut ‘réparer le lien’ entre l’Eglise catholique et l’Etat », Le Monde, 10/4/2018, http://www.lemonde.fr/religions/article/2018/04/10/macron-veut-reparer-le-lien-entre-l-eglise-catholique-et-l-etat_5283135_1653130.html#5Eok7ZvSFaEDY85x.99

[2] « Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, président de la République, sur les racines chrétiennes de la France et sur sa conception de la laïcité », http://discours.vie-publique.fr/notices/077003995.html Nicolas Sarkozy avait paru ensuite faire marche arrière vis-à-vis de cette déclaration en 2012 : « Pour Nicolas Sarkozy le discours du Latran a été ‘sorti de son contexte’ », La Croix, 27/2/2012, https://www.la-croix.com/Actualite/France/Pour-Nicolas-Sarkozy-le-discours-du-Latran-a-ete-sorti-de-son-contexte-_NG_-2012-02-27-772678

[3] Article 2 de la loi du 9/12/1905 « concernant la séparation des Eglises et de l’Etat ».

[4] Pape François, exhortation apostolique Evangelii Gaudium (24/11/2013), § 183, http://w2.vatican.va/content/francesco/fr/apost_exhortations/documents/papa-francesco_esortazione-ap_20131124_evangelii-gaudium.html. Le pape François s’inscrivait ici dans la lignée de plusieurs de ses prédécesseurs, tels Pie XI qui avait en 1927 parlé du « champ le plus vaste de la charité, la charité politique », et Jean-Paul II dans l’encylique Centesimus Annus (1/5/1991).

[5] “[L]e lien entre l’Église et l’État s’est abîmé, et (…) il nous importe (…) de le réparer.”

[6] “[S’]engager politiquement dans notre débat national et dans notre débat européen car [leur] foi est une part d’engagement dont ce débat a besoin”. See the English translation of the speech at http://www.elysee.fr/declarations/article/transcript-of-the-address-given-by-the-president-of-the-french-republic-before-the-bishops-of-france/. For an example of media reaction, see also “Macron veut ‘réparer le lien’ entre l’Église catholique et l’État”, Le Monde, 10/4/2018, http://www.lemonde.fr/religions/article/2018/04/10/macron-veut-reparer-le-lien-entre-l-eglise-catholique-et-l-etat_5283135_1653130.html#5Eok7ZvSFaEDY85x.99.

[7] “La République ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte”, article 2 of the milestone law separating Church and State (9 December 1905).

[8] Pope Francis, apostolic exhortation Evangelii Gaudium (24/11/2013), § 183, http://w2.vatican.va/content/francesco/en/apost_exhortations/documents/papa-francesco_esortazione-ap_20131124_evangelii-gaudium.html. Pope Francis was here following in the footsteps of several of his predecessors, such as Pius XI who had spoken in 1927 of “the domain of charity in its largest sense, (…) political charity”, and John Paul II in his encyclical Centesimus Annus (1/5/1991).


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