20 et 21 octobre 2017 Le corps en faillite : expériences et représentations du handicap dans la littérature et les arts Colloque international interdisciplinaire Université Jean Monnet, Saint-Etienne (CELEC) & Université Jean Moulin – Lyon 3 (IETT)

Le corps en faillite : expériences et représentations du handicap dans la littérature et les arts

20 et 21 octobre 2017

Colloque international interdisciplinaire

Université Jean Monnet, Saint-Etienne (CELEC) & Université Jean Moulin – Lyon 3 (IETT)

 

Ce colloque sera consacré à l’expérience et à la représentation du handicap dans la littérature et les arts. Que l’on pense au membre paralysé ou amputé, à la déficience visuelle ou mentale, à l’estropié de guerre ou à l’accidenté de la route, on ne peut que souligner la profonde fascination qu’a suscité le corps en faillite dans la sphère artistique comme dans l’imaginaire populaire. Hors-norme et littéralement extraordinaire, il paraît cependant résister tant à la représentation qu’à l’interprétation, les enjeux qu’il a pu soulever ayant souvent été limités par une vision qui l’a réduit à une version diminuée du « corps normal ». Par ailleurs, puisque l’idéal du « corps sain dans un esprit sain » a longtemps prévalu, le corps handicapé a souvent été présenté comme le symptôme d’une faute morale ou la manifestation physique d’un mal ontologique, approche qui l’a cantonné à une lecture métaphorique ou allégorique.

Ce n’est qu’au milieu des années 1980 que l’attention critique nouvelle suscitée par la question du handicap en renouvelle les enjeux, alors que les disability studies se constituent en Amérique du Nord comme champ disciplinaire à part entière. En France, ce n’est que très récemment que la question a commencé à soulever un intérêt critique. Au croisement des notions de gender, race et class, ce champ d’étude a activement contribué à enrichir un dialogue interdisciplinaire autour de la question de l’identité. Cette visibilité nouvelle a permis de repenser l’approche du handicap, en cessant de l’envisager sous l’angle de la déficience et de la carence.

Les disability studies ont en effet replacé le sujet handicapé au cœur de la réflexion et l’ont débarrassé des stigmates qui ont longtemps pesé sur lui, notamment en réarticulant le rapport entre le normal et le pathologique. Ce travail a permis de mettre au jour un autre rapport au monde et à soi, d’identifier les stratégies par lesquelles celui-ci transcende les limites que son corps lui impose, tant dans la vie quotidienne que dans la pratique artistique. C’est dans cette perspective que nous nous proposons d’interroger les figures du corps handicapé dans les productions littéraires, cinématographiques, culturelles et artistiques, dans le monde anglo-saxon et au-delà.

Tout d’abord, le handicap est une expérience qui implique bien souvent la construction d’un récit et nous souhaitons prêter une attention toute particulière aux formes narratives qu’il adopte et adapte. Le handicap suscite inévitablement un récit : le membre manquant, le corps paralysé ou l’altération cognitive impliquent le besoin de rendre compte de ce qui en est à l’origine. Ce récit, constamment remodelé au fil du temps et au gré des contextes, permet à l’individu de se libérer des discours institutionnels et du langage médical ainsi que de se (re)construire grâce à la force génératrice du récit qu’il produit. Il dépasse ainsi l’expérience traumatique et se réapproprie une identité qu’il a lui-même façonnée. Le handicap a ainsi contribué à redéfinir les genres et les formes narratives, du comique au tragique. Se pose alors un double questionnement sur les fonctions diégétiques du sujet handicapé et les stratégies narratives à l’œuvre dans ces récits. La représentation du handicap opère en effet une réarticulation du rapport à l’espace (limite / immobilité / confinement) et au temps (durée, ressassement, projection), du rapport à soi (acceptation, négation) et à l’autre (dépendance, perception), du rapport au langage et à la création.

Par ailleurs, l’expérience du handicap induit souvent un renouvellement des pratiques artistiques qui exploite toutes les possibilités créatrices qu’offrent le geste maladroit, la parole qui achoppe et le corps vulnérable. On ne peut donc limiter le handicap aux stratégies de compensation et de réparation visant à combler les défaillances qu’il implique. La prothèse, par exemple, ne relève pas d’une simple substitution ou d’une imitation (de l’organe défaillant ou du membre manquant), mais d’une association entre corps et technologie qui déterritorialise la sphère de l’humain et en améliore les performances. Ce qui ne peut se faire ou se dire trouve ainsi des canaux d’expression détournés et donne naissance à des formes et des pratiques inédites.

Si une poétique du handicap ne peut se satisfaire d’une simple célébration des dysfonctionnements, des déficiences et des défaillances du corps humain, peut-elle se soustraire à l’opposition binaire entre manque et excès, impuissance et surpuissance ? De la même façon, comment échapper à la double impasse de l’exhibition ou de l’invisibilité, de la répulsion ou de la sublimation, de la stigmatisation et de l’idéalisation ? Puisque le corps handicapé ne se conforme pas aux codes esthétiques, dans quelle mesure, artistes, cinéastes et écrivains réarticulent-ils notre rapport au beau et au laid ? Se pose alors la question des affects et du malaise que suscite le corps handicapé. Il s’avère alors crucial d’analyser le bouleversement qu’il opère dans l’expérience sensible, les affects singuliers qu’il met en jeu et la différence irréductible qu’il représente. L’expérience cognitive générée par le handicap ouvre à toute une série d’expériences esthétiques inédites et le pouvoir de la fiction se retrouve au service d’une construction identitaire bâtie sur une autre relation au temps, à l’espace et au corps. Le repérage de ces formes et des possibilités qu’elles offrent participe à la compréhension et à la transformation des représentations collectives du handicap.

 

Nous sollicitons notamment des propositions sur les axes suivants :

– corps handicapé et technologie

– handicap moteur / psychique et les limitations de la perception

– le handicap et ses ressorts tragiques / comiques

– récits du handicap et (re)construction de l’identité

– le personnage handicapé comme héros / personnage secondaire

le handicap au cœur de la pratique artistique

– les handicaps et les arts corporels / visuels

– la réception des disability studies en France et ses questionnements liés à la terminologie

– la relation handicapé / valide

– vieillesse et handicap

– handicap, genre et sexualités

 

Les propositions de communication (300 mots) sont à envoyer à Pierre-Antoine Pellerin (pierre-antoine.pellerin@univ-lyon3.fr) et Sophie Chapuis (sophie.chapuis@univ-st-etienne.fr) avant le 15 mai 2017.

Bibliographie sélective

Couser, Thomas G. and Thomas Griffith, Signifying Bodies: Disability in Contemporary Life Writing, Ann Arbor: University of Michigan Press, 2009.

Davis, Lennard J., Bending over Backwards: Disability, Dismodernism and Other Difficult Positions, New York: New York University Press, 2002.

Eco, Umberto (dir.), Histoire de la laideur, Flammarion, 2007.

Garland-Thompson, Rosemarie, Extraordinary Bodies, Figuring Physical Disability in American Culture and Literature, New York: Columbia University Press, 1997.

Hall, Alice, Literature and Disability, London: Routledge, 2016.

Mitchell, David T., and Sharon L. Snyder. Narrative Prosthesis: Disability and the Dependencies of Discourses, Ann Arbor: University of Michigan Press, 2000.

Sandhal, Carrie and Philip Auslander (ed.), Bodies in Commotion, Disability and Performance, Ann Arbor: University of Michigan Press, 2005.

 

 

The experience and representation of the disabled body in literature and the arts

20 – 21 October 2017

A two-day interdisciplinary conference

Université Jean Monnet, Saint-Etienne (CELEC) & Université Jean Moulin – Lyon 3 (IETT)

 

This international conference will explore the experience and representation of disability in literature and the arts. Whether we think of paralyzed or amputated limbs, visual or mental impairments, war cripples or traffic accident victims, the disabled body has always been an object of fascination in the arts and in the popular imagination. Since it is outside the norm and literally extraordinary, it seems to resist both representation and interpretation. Consequently, what is stake in the disabled body has often been ignored, for it has been perceived as a diminished or dysfunctional version of the “normal body”. Besides, since the ideal of a “sound mind in a sound body” has long prevailed, the disabled body has often been presented as a symptom of a moral wrong or the physical manifestation of an ontological failure, an approach which has confined it to a metaphorical or allegorical reading.

It is only with the emergence of disability studies as an autonomous disciplinary field in the 1980s, essentially in North America, that the question experienced a renewed interest. In France, it has gained momentum only recently. Intersecting with notions of gender, race and class, disability studies became fully engaged in an interdisciplinary dialogue on identity. This newly acquired visibility has led artists and critics to change our perception of the impaired body as they stopped considering it only in terms of deficiency, incapacity or lack.

Disability studies have indeed put the disabled body at the center and helped it discard the stigma it had long been bearing. The relationship between normalcy and pathology was thus radically challenged as some other ways of relating to the world and the self were exposed. Focus has particularly been put on the enabling strategies allowing the disabled subject to transcend the limitations imposed by his/her afflicted body, whether in daily life or artistic practice. In that perspective, the conference invites contributors to reflect on this recent shift and welcomes papers that explore the disabled body in literary productions, movies and the arts.

First, disability is an experience which is intimately connected to storytelling and the narrative forms it adopts and adapts should be carefully examined. Disability demands a story: a missing limb, a paralyzed body or a cognitive impairment must be accounted for.  This implies the repeated production of a narrative that is constantly refashioned over one’s life and depends upon context. Reciprocally, the self is reshaped by the performative potential of the narrative and liberated from clinical or institutionalized discourses. Through its repetition, the narrative produced allows the disabled subject to go beyond the experience of trauma and forge his/her own identity.

The experience and representation of disability have initiated a new reflection on genres (from comedy to tragedy) and narrative forms. Consequently, the narrative role of disabled characters must be examined as well as the strategies and structures at stake in such literary productions. Indeed, disability poses a challenge to space (limits, immobility, confinement), time (duration, repetition, projection), the self (acceptation, rejection) and others (dependence, perception), as well as language and the creative process.

Besides, the experience of disability implies a renewal of artistic practices that explore the potentialities of hesitant gestures, faltering speech and vulnerable bodies Disability is not only inducing a wide range of strategies that are meant to address the failures of the disabled body. Prosthesis, for instance, may not just be considered as some substitution/imitation of the missing limb or organ: the use of technology can lead to fruitful cognitive adaptation, unexpected deterritorializing of the human body and enhanced performance. The disabled body can thus channel unprecedented practices and forms of expression.

If a poetics of disability cannot merely feed on the dysfunctions and failures of the impaired body, can it escape the persistent dialectics of lack and excess, powerlessness and superpower? Similarly, can it offer any alternative to the binary opposition between exhibition and concealment, repulsion and sublimation, stigmatization and idealization? Since the disabled body does not conform to aesthetic canons, how do poets, artists, photographers, filmmakers and novelists who work with/on disability transform aesthetic codes and reconfigure notions like beauty and ugliness, attraction and repulsion? We wish to pay particular attention to the disruptive potential of disability, the singular affects it implies, and the irreducible difference that disability represents. The cognitive potentials of disability inaugurate a whole series of uncharted aesthetic experiences and the power of fiction helps the construction of an identity that is often built on a different relationship to time, space and the body. Mapping those forms and potentialities may prove crucial in understanding and transforming collective representations of disability.

 

We welcome papers focused on any region or period and will privilege contributions addressing the following topics:

– the disabled body and technology

– motor / mental disability and the limitations of perception

– disability and tragedy / comedy

– narratives of disability and (re)construction of identity

– the disabled character as a hero or minor character

– disability and artistic practices

– disability in body arts / visual arts

– the reception of disability studies and the question of terminology

– the relationship between the abled body and the disabled body

– disability and old age

– disability and sexual/gender/queer identities

 

300-word abstracts should be sent to Pierre-Antoine Pellerin (pierre-antoine.pellerin@univ-lyon3.fr) and Sophie Chapuis (sophie.chapuis@univ-st-etienne.fr) by May 15th, 2017.


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