19-20 octobre 2017 Métissages linguistiques et culturels émergents : vers quelles médiations ? Colloque international organisé par IMAGER EA3958 à l’Université Paris-Est Créteil

Métissages linguistiques et culturels émergents :

vers quelles médiations ?

19-20 octobre 2017

Colloque international organisé par IMAGER EA3958

à l’Université Paris-Est Créteil

 

Nos sociétés contemporaines sont le théâtre de métissages linguistiques et culturels qui, s’ils ne sont pas nouveaux, s’accélèrent, s’amplifient et se complexifient de façon inédite avec la mobilité géographique et informatique. Les innovations technologiques ont atteint un niveau de vitesse et de sophistication tel que les frontières entre le réel et le virtuel deviennent toujours plus poreuses.

 

Dans ce contexte, la circulation des personnes, la diffusion des informations politiques, scientifiques, culturelles et les métissages qui les caractérisent au niveau mondial entrainent des changements radicaux dans notre façon de concevoir l’autre, d’appréhender les idées, de partager des pensées ou de prendre des décisions. Les avancées dans toutes les sciences de l’homme, notamment la biologie et les neurosciences cognitives, redéfinissent nos relations aux autres et à l’environnement. Le paradoxe de cette profusion de situations et d’échanges multilingues et multiculturels vient des contraintes issues de ces difficultés de compréhension interpersonnelle et de ces brouillages sociopolitiques qui échappent aux acteurs et aux indicateurs traditionnels.

 

Comment comprendre et étudier cette reconfiguration sociétale du monde contemporain du point de vue des langues qui nous réunissent et nous séparent à la fois ? Dans une logique adaptative, les sociétés actuelles sont partagées entre des quêtes antagonistes : i) soit on recherche des réponses simplificatrices, souvent binaires, témoignant d’un repli identitaire comme le choix de langues dominantes à l’école pour faciliter l’intégration des individus, la réduction des langues sur les réseaux sociaux, le monopole de la diffusion des résultats de recherche en anglais, la multiplication de Novlangues escamotant, sur le fond, les processus que l’on cherche à clarifier, ii) soit on s’attelle à relever le défi de la complexité. Mais comment ? Invités à agir simultanément en différents espaces, est-il devenu nécessaire d’embrasser plusieurs perspectives à la fois, de connaître plusieurs langues à des niveaux de compétences différents, ce qui requiert une grande plasticité mentale et ébranle notre besoin de permanence identitaire dans un monde où chacun navigue entre des identités multiples (Lahire) ou des identités liquides (Bauman) ?

 

Faute de solutions interindividuelles, la médiation entre en jeu. Forgée à partir du verbe latin mediare, longtemps désignant l’intervention d’un tiers pour réconcilier deux parties, la notion de médiation relie désormais des univers flous et pluridimensionnels. La médiation, est-elle à même de concilier les courants de pensée actuels qui semblent opposer, d’une part une approche universaliste qui suppose l’existence d’un espace abstrait de communication translinguistique et d’autre part, des approches « différentialistes » qui insistent sur la (super)diversité des expressions langagières ?

 

Nous proposons de nous intéresser aux médiations dans des configurations plurielles et transdisciplinaires et ceci à partir des langues qui, implicitement et explicitement, se situent au cœur des métissages qu’elles cherchent à clarifier. Tissées dans les cultures et les contextes, les langues constituent elles-mêmes des systèmes complexes qui reflètent différentes façons de percevoir nos relations au réel. S’il y a bien un consensus scientifique sur la richesse intrinsèque de chaque langue, ni la hiérarchie postcoloniale des statuts des langues, ni sa remise en cause, ne va de soi. Les moyens de l’intercompréhension dans un monde global et transculturel doivent prendre en compte les métissages émergents, ils constituent des objets d’interrogation tant pour les chercheurs que pour les acteurs.

 

Ce colloque entend faire émerger des analyses sur des situations multilingues et/ou multiculturelles à travers leurs médiations, comme elles se trouvent illustrées dans des situations concrètes (en classe, dans les discours journalistiques, sur la scène politique, économique, éducative etc.) ou représentées dans des situations virtuelles (dans la littérature, la publicité, les arts visuels etc.).

 

  • Comment les traducteurs, les pédagogues, les chercheurs, les décideurs tranchent-ils dans leur relation au réel, dans leur capacité de se relier aux autres pour agir avec eux et faire transiter, entre individus ou groupes et à travers les frontières, des idées, des valeurs, des représentations et des règles ?
  • Quels sont les paradigmes émergents de dépassement des limites de la médiation triangulaire ?
  • Quelles sont les solutions transdisciplinaires qu’impose la nécessité de penser et agir sur le continuum instable local-global ?

 

Nous envisagerons cette problématique à partir des axes suivants, en invitant tout particulièrement des contributions inter- et transdisciplinaires :

 

  1. Comment la pensée de la traduction évolue-t-elle face à ces nouveaux défis linguistiques ? Entre le rêve d’un espace uniforme et transparent de communication à l’échelle mondiale et l’accentuation des singularités et idiosyncrasies linguistiques, comment situer l’activité de traduction ? Quelle place pour la traduction entre le projet d’une métalangue universelle et la « superdiversité » des pratiques linguistiques actuelles ?

 

  1. Dans le domaine de la littérature, du théâtre, de la poésie, nous pourrons nous intéresser à l’hybridation de formes à l’intérieur des textes, à la rencontre de plusieurs langues au sein d’une même œuvre. On questionnera également les auteurs, médiateurs de leurs propres œuvres qui, en les traduisant eux-mêmes, donnent naissance à des univers en palimpsestes.

 

  1. La médiation littéraire est un autre domaine de métissage transculturel en langues où de nouveaux espaces s’inventent : blogs, écritures interactives en plusieurs langues, nouvelles formes de festivals littéraires qui favorisent des échanges plus directs entre auteurs et lecteurs d’un bout à l’autre de la planète, échange entre des écrivains qui développent des projets translangues collectifs… Comment étudier les formes sémiotiques qui s’y développent ? En quoi participent-elles du développement de cultures hybrides ? A l’époque d’Amazon, de la publication en ligne, des traducteurs intégrés, ces nouvelles formes de médiation littéraire constituent-elles un enrichissement qui permet d’étendre la connaissance ou mènent-elle à un système massifié éclaté et appauvri ?

 

  1. Dans le champ de la linguistique, les métissages questionnent le concept même de transmission et de régulation intersubjective. Pour Antoine Culioli par exemple, tout énoncé implique une « régulation minimale sans laquelle il ne peut exister d’échange, c’est-à-dire d’accès d’un sujet à un autre. » (A. Culioli [1998] 1999 : 137). Il apparaît ainsi qu’on ne peut accepter l’idée selon laquelle les locuteurs auraient à leur disposition un référent qui serait « tout prêt » ou « prêt à l’emploi », signifiant simplement « ce à quoi on réfère ». On est donc conduit à travailler sur des valeurs référentielles qui supposent des modes d’énonciation qui incluent des ajustements constants. Comment se mettent en place ces ajustements dans les situations multilingues par exemple, comme celle d’une interprétation ou d’une traduction ? Quelles formes peuvent prendre ces ajustements dans le cadre des reformulations qu’on est amené à faire à tout instant dans le discours ? En lien avec ces questions, sera attendu toute recherche qui partira de données empiriques et qui traitera de marqueurs linguistiques (lexicaux, syntaxiques, prosodiques) précis, présents dans une langue quelle qu’elle soit.

 

  1. Dans le domaine civilisationnel, les interactions et la comparaison entre institutions, acteurs, territoires et temporalités n’a jamais été aussi complexe qu’à l’heure de la globalisation. Tout en créant une certaine standardisation, la globalisation témoigne toujours davantage de différentiations, de tensions, de métissages qui font ressurgir des spécificités culturelles locales et multi-scalaires en évolution. Pour les sciences sociales la « traduction » de termes ou de concepts, voire des « équivalences fonctionnelles » ne s’avèrent, le plus souvent, ni opérationnelles ni une fin en soi. Il en va des médiations conceptuelles permettant d’établir des statistiques internationales qui servent à comparer ou à répondre à des questionnements, à formuler des recommandations pour des pratiques ou des politiques publiques. Comment les acteurs aboutissent-ils à des résultats fiables ?

 

  1. Enfin, dans le domaine de la didactique et de l’éducation aux langues, la diversité des langues au sein des classes interroge l’enseignement de masse de quelques langues dominantes. De la maternelle à l’université, la didactique est à la recherche de modèles plus intégratifs s’intéressant aux médiations entre les langues et les cultures des apprenants. Comment enseigner les langues pour nous inter-comprendre et agir ensemble dans un respect mutuel et dans une perspective plurilingue et pluriculturelle ? Pour répondre à ce défi inédit, certaines recherches explorent les médiations corporelle et émotionnelle au travers des pratiques artistiques (théâtre et danse) dans une approche esthétique et « performative » des langages et des langues (Aden, Lapaire, Schewe, Soulaine). D’autres, convoquent la notion de médiations langagières dans une perspective interactionniste (Delamotte-Legrand) ou sociolinguistique au travers de notions telles que le translanguaging (Garcia), le translangager (Aden), le codemeshing (Canagarajah) ou encore la prise en compte des paysages linguistiques et la superdiversity (Blommaert) dans une approche ethnographique de la diversité linguistique.

 

 

Calendrier

Date limite pour la soumission des propositions : 28 février 2017

Réponses du comité scientifique : 30 mars 2017

Les propositions seront à rédiger en français, en allemand, en anglais, en espagnol ou en italien. Elles comprendront un titre et un résumé de 700 mots maximum, bibliographie comprise. Elles seront accompagnées du/des nom(s), prénom(s), affiliation(s) scientifique(s) et institutionnelle(s) du ou des auteur(s) ainsi que le titre de la communication.

Les propositions à transmettre, en fichier Word, en indiquant « colloque médiation » dans l’objet du message à ces 3 adresses : joelle.aden@u-pec.fr ; teresa.keane-greimas@u-pec.fr ; donna.kesselman@u-pec.fr

 

 


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