19-20 mars 2020 Troublantes Usurpations : impostures dans la littérature, le cinéma et les arts du monde anglophone Université Toulouse Jean Jaurès, France

Appel à communications

Troublantes Usurpations : impostures dans la littérature, le cinéma et les arts du monde anglophone

19-20 mars 2020

Université Toulouse Jean Jaurès, France

 

Les propositions (de 400-500 mots, en anglais ou en français), accompagnées d’une courte bio-bibliographie, doivent être adressées avant le 20 septembre 2019 à : usurpationtoulouseconference@gmail.com.

Les éventuelles propositions d’ateliers de 3-4 communications sont les bienvenues.

Ce colloque international invite à une réflexion large sur les représentations de l’usurpation et de l’imposture au cinéma, dans la littérature et les arts du monde anglophone, de la Renaissance à nos jours.

Comme l’explique Roland Gori, les imposteurs sont de puissants révélateurs d’une période, car les modalités de l’imposture (les masques choisis, les rites accomplis, les signes arborés) simulent des comportements qui sont monnaie courante et qui sont éclairés autant que déformés par leurs contrefaçons. Ainsi, à mesure qu’une vision libérale de la liberté individuelle se développe dans le monde anglophone, et que l’individu autonome est conçu comme « l’auteur » de sa vie, celui qui s’invente littéralement une identité révèle les contradictions ou les limites de la position individualiste (James Gatz dansThe Great Gatsby). Derrière les usurpateurs du roman gothique, qui détrônent le détenteur légitime du pouvoir, ou les figures prométhéennes ou épiméthéennes, qui paraissent usurper une position divine (de Manfred à Victor Frankenstein), se dessinent en filigrane des enjeux théologiques aussi bien que politiques ; dans le roman à sensation, les usurpations d’identité, qu’il s’agisse de bigamie ou plus largement d’identités d’emprunt (Mary Elizabeth Braddon, Lady Audley’s Secret, Mrs Henry Wood, East Lynne) révèlent les contradictions du droit matrimonial à l’époque victorienne.

Dans les espaces impersonnels et anonymes où le contrôle social s’est relâché, l’usurpation fleurit : chez Samuel Clemens ou Herman Melville, le Mississippi du milieu du XIXe siècle représente un espace-frontière où tout inconnu est un possible usurpateur (Melville, The Confidence Man, Clemens, Huckleberry Finn). Dans les périodes d’urbanisation, la grande ville déploie un espace labyrinthique et anonyme où les imposteurs peuvent aisément faire circuler sa fausse monnaie : chez ceux qui se font passer pour des blancs aux Etats-Unis (racial passing), chez les transfuges de classe ou ceux et celles qui se travestissent, se dessine alors l’expression ambiguë d’une émancipation, à mi-chemin entre conformisme et transgression des normes dominantes.

Représentées à l’écran, beaucoup d’usurpations troublent des conceptions préétablies de l’identité collective (raciale, genrée, humaine) ou individuelle : elles interrogent les frontières entre le jeu et le ‘je’, ou entre les divers visages (Mad Men, VertigoThe Talented Mr. Ripley, Ready Player One). Quand le masque, l’avatar ou la double vie actualisent une partie de soi, il devient parfois difficile de distinguer identité ‘véritable’ et identité fabriquée. A mesure que de nouveaux canaux et modes de communication apparaissent, les phénomènes d’usurpation signalent la persistance d’un problème : comment faire le partage entre une théâtralité inhérente à la vie sociale, fondamentalement viable voire jouissive (par exemple dans des communautés virtuelles où le « catfishing » devient un aspect de la vie sociale), et l’omniprésence de manipulations malveillantes qui signifieraient, tout au contraire, que le contrat social est sans fondement ? Les représentations de troublantes usurpations sur scène, à l’écran, dans les textes, engagent aussi une réflexion critique sur l’autorité et la position d’autorité. Qui remet l’usurpateur « à sa place » ? Et son autorité ne relèverait-t-elle pas, elle aussi, d’une sorte de coup de force ? Comment les usagers d’identité factice sont-ils punis ou réprimandés ? Comment le dialogisme des fictions littéraires et cinématographique permet-il de mettre en scène la bataille des versions de la réalité et de l’identité qui s’affrontent ?

Il s’agira aussi d’analyser ce qui se joue sur le plan sémiotique dans les phénomènes d’usurpation lorsque l’imposteur est représenté comme une simple persona, un signifiant « pur », dénué de signifié, ou, sur un plan psychologique, comme un être sans intériorité, limité à sa seule apparence.

Enfin, il s’agira de revenir sur les enjeux métafictionnels, poétiques et esthétiques de la thématique de l’imposture dans des écritures ou des mises en scènes singulières, car la figure de l’imposteur symbolise, de manière éminemment réflexive, les pouvoirs de la fiction, tout particulièrement dans les cas des narrateurs non fiables. Quels aspects du cinéma, du roman, de la poésie, du théâtre la figure de l’usurpateur fait-elle voir – dans quelle mesure induit-elle un commentaire métafictionnel ? Existe-t-il des genres qui auraient plus d’affinités que d’autres avec la thématique, voire une poétique, de l’imposture ?

 

Pourront donc être étudiés, sans que la liste qui suit ne soit exhaustive :

– Les mises en scènes de l’usurpation troublante : monarques légitimes et usurpateurs, transfuges de classe, parvenus, travestissement, bigamie, racial passing, médecins et patients simulateurs, usurpations de nationalité, d’identité professionnelle, d’identité sexuelle ;

– L’usurpation et les nouvelles formes de la construction de soi dans les médias contemporains : avatars virtuels et mensonges, rapports entre l’exhibition de « l’authenticité » et les phénomènes d’usurpation d’identité ;

– Les liens entre usurpation et contrôle social. Quelles dénonciations, quelles preuves, quelles punitions, quelles réintégrations de l’usurpateur dans une communauté ? Les réflexions sur les mécanismes par lesquels une usurpation d’identité est dévoilée, punie (Martin Guerre) et/ou pardonnée (le « catfishing ») ;

– Quels imposteurs dans quelles sociétés ? Que révèlent-ils des valeurs, aspirations et contradiction d’une société donnée ?

– Les trafics de signes et/ou trafics de preuves : enjeux sémiotiques, enjeux juridiques, enjeux médicaux ;

– Les liens entre imposture et réflexion métafictionnelle ; le(s) personnage et/ou narrateur(s) non fiable(s) ;

– Les arts de l’illusion et de la prestidigitation : illusionnisme et réflexions sur l’illusionnisme dans les arts ;

– Existe-t-il des genres de l’imposture ? Les usurpations d’identité dans le roman ou le film d’espionnage, dans le roman ou le film de détection. L’usurpation et la satire ;

– Eros et imposture : les liens entre désir, identité fantasmée et identité jouée ;

– Les rapports entre imposture et béance ontologique : fictions de l’imposture et visions philosophiques ou psychologiques de l’identité.

CFP

 “Troubling Usurpations: Imposture in the literature, cinema and the arts of the English-speaking world”

19-20 March 2020

University of Toulouse Jean Jaurès, France

 

Please send 400-500-word proposals, in English or French, along with a short bio-bibliographical note, to: usurpationtoulouseconference@gmail.com by 20 September 2019.

 

Please note that panel proposals (3-4 papers) are welcome.

 

This international conference aims to question the representations of usurpation and imposture in the literature, cinema and the arts of the English-speaking world, from the Renaissance to the present day.

 

As Roland Gori argues, impostors are powerful tools to reveal how a given culture and period works: indeed usurpers will mimic the rituals, signs and masks through which power, authority and even identities are usually established in a given society, so that the impostor’s unruly or irregular use of such codes is a way of highlighting them. Impostors reveal established definitions of authority, their underlying principles and concealed contradictions: as a liberal vision of individual freedom expands across the English-speaking world, as the individual per se is increasingly seen as the « author » of his or her own life, narratives centered on forged identities bring to light the limits of individualism (e.g. James Gatz in The Great Gatsby). In gothic fiction, both the usurpers bent on overthrowing legitimate leaders and the Promethean or Epimethean figures who seem to usurp a position of divine power – from Manfred to Victor Frankenstein – tend to disclose theological as well as political issues. In sensation fiction, identity theft – whether through bigamy or assumed identities (Mary Elizabeth Braddon, Lady Audley’s Secret; Mrs Henry Wood, East Lynne) – lays bare the contradictions of marriage law in the Victorian era.

In anonymous, impersonal places where social control has loosened its grip, usurpation is in full bloom. In Samuel Clemens’s and Herman Melville’s works, the Mississippi river in the middle of the nineteenth century is an in-between zone where any stranger may appear as a potential usurper of someone else’s identity (Melville, The Confidence Man; Clemens, Huckleberry Finn). In periods of fast-growing urbanization, large cities become labyrinthine, anonymous spaces where various forgeries may be given free play:  the upwardly mobile trajectory of the upstart, racial passing in the United States, cross-dressing, all seem to point to ambiguous quests for emancipation which blur the conventional boundary between conformism and the transgression of accepted norms.

When represented on screen, many forms of usurpation tend to disrupt preconceived ideas about collective or individual identity (linked to race, gender, or to the human as opposed to the non-human or trans-human); these troubling usurpations question any firm distinction between different facets of the self  or the frontier between the self and one’s social personae (Mad MenVertigoThe Talented Mr. RipleyReady Player One). When masks, avatars or doubles do embody a definite part of the self, it is not always easy to draw the line between the « genuine » identity and the « fabricated » one. When new channels and modes of communication are seen to thrive, notably on social media, the theme of usurpation in literature and the visual arts keeps drawing our attention toward a persistent problem: do usurpations point to an inherently theatrical character of social life which should be embraced as an inevitable, and even enjoyable, aspect of human existence (as can be seen in virtual communities where « catfishing » is an aspect of social life) or do they point to a philosophical and political aporia, to the lack of any firm foundation for any social contract?

             When texts, plays or films represent unsettling modes of usurpation, those fictions also call for a critical debate on what constitutes an authoritative position. How is identity theft repressed or punished? Who is supposed to put the usurper back in his or her place? And may the authority of the avenging or righteous figure be considered as yet another form of power abuse?

            Usurpation may also be tackled from a semiotic angle when the usurper seems to be nothing but a persona, a « sheer » signifier with no substantial signified, coming across psychologically as devoid of any inner life and being reduced, therefore, to his or her surface appearance. We also invite reflections on the metafictional, poetic and aesthetic dimensions of imposture in particular works of fiction, when the impersonator may be seen as symbolising the powers of fiction itself, notably in the case of unreliable narrators.

 

We welcome any study of the following topics (please note that the list is indicative and by no means comprehensive):

– Representations of legitimate and illegitimate rulers, usurpers of political or religious authority, the virtuous, educational use of mimicry and imposture;

-Representations of upstarts, cross-dressers, bigamists, racial passing, medical doctors and simulators, usurped professional, sexual, or national identities in biographies/autobiographies/ biopics/ artistic performances;

– New forms of the performance of identity in contemporary media: the use and misuse of avatars;

– Usurpation, social control and social unrest;

– Counterfeited signs, counterfeited evidence: semiotic, legal, medical perspectives on the illegitimate or irregular use of signs;

– Imposture and metafiction; illusionism, realism and trompe-l’œil in literature, the cinema and the arts;

– Usurpers in spy fiction, in detective fiction, in satirical texts, films or cartoons;

– Psychoanalytical and/or philosophical perspectives on imposture; imposture and ontological or political dead-ends.

 

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