Colloque international – Vichy
« Bain et thermalisme dans la littérature et la culture anglaises de la première modernité »
11-13 Octobre 2019
Université Clermont Auvergne – IHRIM (UMR 5317)
Organisé par Sophie Chiari et Samuel Cuisinier-Delorme
Conférenciers confirmés :
Richard Kerridge (Bath Spa University)
Amanda Herbert (Folger Institute et Amherst College)
Tiffany Stern (The Shakespeare Institute)
Tiffany J. Werth (UC Davis, University of California)
Utilisée à des fins récréatives et/ou thérapeutiques, l’eau a façonné les paysages et les esprits dès l’Antiquité. Certaines villes – telles que Bath en Angleterre, Spa en Belgique, Vichy en France, pour ne citer que quelques-unes des majestueuses stations thermales européennes – se sont construites autour des activités liées à l’usage de l’eau tout en devant se réinventer au gré des siècles, des modes, et des avancées scientifiques. Alors que le thermalisme est largement associé aux périodes antiques et contemporaines (l’activité connaissant son âge d’or entre le milieu du XIXe et le mitan du XXe siècle), ce colloque propose de mettre en lumière les usages de l’eau dans l’Angleterre de la première modernité, bien avant le regain d’intérêt pour les activités thermales au XIXe siècle, et d’étudier les tensions qu’elles génèrent entre ceux qui louent ses vertus curatives et ceux qui fuient ses effets prétendument néfastes pour la santé.
Dès le Moyen Âge, des bains publics apparaissent dans de nombreuses villes chrétiennes avec une vocation plus récréative que régénérative pour la santé. À partir du XVe siècle, ces lieux de promiscuité connus sous le nom d’étuves, étant associés à des activités de prostitution, voient dès lors leur existence contestée. Dans Mesure pour Mesure de Shakespeare, Vincentio déclare : « I have seen corruption boil and bubble / Till it o’er-run the stew » (« J’ai vu la corruption bouillir et bouillonner / Jusqu’à ce qu’elle déborde de la marmite », V.1.306-07), la polysémie de stew permettant l’allusion à la maison close autant qu’au récipient de cuisine. Lorsqu’Henri VIII monte sur le trône d’Angleterre, il considère que ces étuves sont des lieux de débauche, d’infection et de contamination. Atteint de syphilis, il ordonne leur fermeture. Dès lors, pour les Anglais de l’ère Tudor, ces étuves vont évoquer l’ailleurs et l’interdit, et après la publication des Navigations, pérégrinations et voyages faicts en la Turquie (1576) de Nicolas de Nicolay traduits en 1585 par Thomas Washington, les bains turcs susciteront les fantasmes liés à l’érotisme féminin. Au XVIIe siècle, nombreux sont ceux qui, craignant les dangereuses humeurs que l’eau pourrait faire pénétrer dans le corps, s’adonnent à une toilette sèche. Les mœurs changent à la fin du siècle, lorsque les bains publics réapparaissent à Londres. Il faudra néanmoins attendre le milieu du XVIIIe siècle pour que le bain revienne en grâce d’un point de vue strictement médical. On privilégiera alors l’eau froide, plus tonique et propice à une bonne circulation sanguine.
Parallèlement, la période de la première modernité apparaît comme un tournant pour les activités thermales. Oscillant entre une vision souvent superstitieuse chez les catholiques et une approche plus pragmatique chez les protestants, les vertus de l’eau commencent à être réellement analysées de manière scientifique à partir du XVIe siècle. Alors que les traités médicaux de la période adoptent une tonalité plus séculière, ils abordent la question des eaux sous leur dimension curative et non plus sacrée ou sacramentelle comme cela avait pu être le cas auparavant. Le premier traité anglais dédié aux sources thermales est dû au Dr. William Turner. Dans A Book of the Natures and Properties as well of the Baths in England as of other baths in Germany and Italy, publié en 1562, il consigne les propriétés curatives des eaux de Bath pour près d’une centaine de maladies. Faisant la comparaison avec les villes thermales du continent, il plaide également pour une amélioration des bains de Bath dont la création remonte aux Romains. Il se présente ainsi comme le pionnier de la médecine thermale en Angleterre.
Quelques décennies plus tard, en 1626, Elizabeth Farrow découvre une source à Scarborough, et la publication de Scarborough Spaw or A Description of the Nature and Vertues of the Spaw at Scarbrough in Yorkshire par le Dr Robert Wittie en 1660 fait de cette station thermale l’une des plus importantes de l’époque. À la suite de nombreuses observations, Wittie confirme dans sa réédition de 1667 les bienfaits de l’eau sur l’esprit, les nerfs, et les poumons, les eaux traitant même ce qu’il décrit comme de l’« hypochondriack melancholly and windiness. » Alors que des villes comme Bath, Bristol ou Harrogate étaient déjà des stations thermales établies, Scarborough avait le privilège d’être située en bord de mer, et outre les bains dans les eaux de la source, ceux dans l’eau de mer apportaient une réelle nouveauté qui allait contribuer au développement des cures thermales.
La question médicale ne saurait faire oublier la dimension sociale et culturelle des stations thermales. En effet, Bath devient au début du XVIIIe siècle un lieu de villégiature prisé par l’aristocratie et la haute bourgeoisie anglaises. La visite de la reine Anne, venue prendre les eaux en 1702, ainsi que l’arrivée du dandy Richard ‘Beau’ Nash en 1704, firent de la ville la station à la mode dans l’Angleterre géorgienne. On y vient non seulement pour les cures mais aussi pour s’adonner à diverses activités récréatives et divertissantes, tels les concerts, les bals, ou les jeux de cartes et d’argent.
Au moment où Vichy – ville où se tiendra le colloque – et Bath, ainsi que neuf autres villes thermales européennes, déposent une candidature commune pour se voir inscrites sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO sous le nom de « Great Spas of Europe », ce colloque propose de s’intéresser spécifiquement à l’Angleterre des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles et, au-delà des exemples mentionnés précédemment, d’analyser les liens entre littérature (au sens large), culture, bains et thermalisme. Les communications porteront par exemple sur les brochures et les pièces de théâtre mettant le bain à l’index, les récits fictionnels ou de voyage où les activités thermales offrent un témoignage direct sur leur époque, les textes scientifiques et médicaux vantant les mérites des usages internes et/ou externes de l’eau sur l’état de santé, ou à l’inverse les textes pamphlétaires invitant à la controverse. Les guides touristiques et les manuels de savoir-vivre qui se développent au XVIIIème siècle et qui nous renseignent sur les pratiques de l’époque pourront aussi être étudiés, tout comme les journaux et gazettes relatant la vie des cités thermales et leurs nombreuses activités.
Les propositions de communication en anglais, d’une longueur de 300 à 500 mots, ainsi qu’une courte bio-bibliographie, sont à adresser conjointement à Sophie Chiari (sophie.chiari_lasserre@uca.fr) et Samuel Cuisinier-Delorme (samuel.cuisinier-delorme@uca.fr) avant le 15 septembre 2018.
Les notifications d’acceptation seront envoyées aux participants en novembre 2018.
Comité scientifique :
Sophie Chiari (IHRIM, Université Clermont Auvergne)
Samuel Cuisinier-Delorme (IHRIM, Université Clermont Auvergne)
Amanda Herbert (Assistant Director à la bibliothèque Folger Shakespeare, Washington D.C.)
Pierre Lurbe (Sorbonne Université)
Anne Rouhette (CELIS, Université Clermont Auvergne)
Tiffany Stern (Shakespeare Institute)
Tiffany J. Werth (UC Davis, University of California)
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International Conference in Vichy
‘Baths and Spa Waters in the Culture and Literature of Early Modern England’
11-13 October 2019
Université Clermont Auvergne (UCA), France
Organizers: Pr. Sophie Chiari and Dr. Samuel Cuisinier-Delorme
Keynotes:
Dr. Richard Kerridge (Bath Spa University)
Dr. Amanda Herbert (Folger Institute and Amherst College)
Pr. Tiffany Stern (Shakespeare Institute, University of Birmingham)
Dr. Tiffany J. Werth (UC Davis, University of California)
Water has been used for recreational or therapeutic purposes, shaping landscapes, cleansing bodies and spirits alike throughout the centuries. Cities such as Bath in England, Spa in Belgium, and Vichy in France, have prospered because of their spa activities. While balneology has frequently been studied in connection with classical Antiquity or with more recent times (in particular the nineteenth century, often seen as the Golden Age of spa activities), much work remains to be done regarding its significance in the early modern period. This conference will highlight the various uses of water in sixteenth-, seventeenth-, and eighteenth-century England, while exploring the tensions between those people who praised the curative virtues of waters and those who rejected them for their supposedly harmful effects.
During the Middle Ages, steam baths, whose purpose was more recreational than regenerative, flourished in many Christian cities. Yet the bad reputation of stews (dry or moist heated baths) was early established: over time they were increasingly regarded as places that facilitated prostitution and promiscuity. No wonder that, in Shakespeare’s Measure for Measure, Vincentio describes how corruption will ‘boil and bubble / Till it o’er-run the stew’. After his ascension to the throne, Henry VIII came to regard public baths as places of debauchery in which infections and contaminations easily spread. When he developed syphilis, he ordered that the baths be closed down. As a result, in the Tudor era, they became synonymous with forbidden practices. Turkish baths, famed for their exoticism, were seen as privileged places for female eroticism, as is suggested in Thomas Washington’s translation of The Navigations, Peregrinations, and Travels Made in Turkey (1585). In the seventeenth century, many people feared that hot water could infuse their bodies with dangerous humours; they turned, domestically, to waterless grooming achieved by rubbing or wiping the skin. The habit of bathing became general relatively late, when public baths reopened in London at the end of the century, and only in the mid-1750s did bathing come back into fashion as a medical resource. Cold water was favoured since it was thought to be invigorating and to regulate blood circulation.
The early modern period marked a parallel shift in spa activities. What healing waters were thought to be differed according to faith: Catholics understood them ritualistically and superstitiously, Protestants pragmatically. The medical treatises of the period, meanwhile, no longer systematically described water as a sacred or sacramental element, examining instead its curative properties. Dr William Turner, a pioneer of spa medicine in England, drafted the first English-language treatise on hot springs called A Book of the Natures and Properties of the Baths in England and other baths in Germany and Italy. Published in 1562, the volume recorded the healing properties of spa waters for nearly a hundred diseases, compared Bath with spa towns on the continent, and pleaded for improvements to be undertaken in the English city. A few decades later, in 1626, Elizabeth Farrow discovered a spring in Scarborough. The publication in 1660 of Scarborough Spaw or A description of the Nature and Virtues of the Spaw at Scarbrough in Yorkshire by Dr Robert Wittie made Scarborough one of the most important spa resorts of the time. Wittie’s observations were extended in the second edition of the book (1667) in which he provides a description of the benefits of water on nerves and lungs as well as on mental health. According to him, water could even cure ‘hypochondriack melancholly and windiness’. While Bath, Bristol, and Harrogate were recognized as established spa towns, Scarborough’s reputation soared when spa treatments developed there and when sea water baths were introduced in addition to spring water ones.
Beyond their medical dimension, the social and cultural life of spa towns, frequently described in the literary productions of the early modern period, need examination. For example, at the beginning of the eighteenth century, Bath became a fashionable holiday destination for the English aristocracy and the upper middle classes. Queen Anne’s visit in 1702 and the arrival there of Richard ‘Beau’ Nash in 1704 turned Bath into the most elegant resort in Georgian England. Not only did people go to Bath for spa treatments, but also for entertainment: concerts, dances, card games and gambling thrived in this ‘curative’ city.
The international ‘Baths and Spa Waters’ conference will be held in Vichy which, along with Bath and nine other European spa towns, has submitted a joint nomination for inclusion in a UNESCO World Heritage List of ‘Great Spas of Europe’. The symposium will take stock of current research on the connections between literature, culture, baths, and hydrotherapy in early modern England. We welcome a diversity of approaches and a wide variety of sources, such as pamphlets, poems and plays extolling, condemning or deriding baths, travel narratives that depict baths, and scientific treatises that either praise or criticize the curative use of water. Contributors are also invited to examine sources of information such as travel guides and conduct manuals that became popular in the eighteenth century, as well as newspapers and gazettes describing the activities and daily life in spa towns.
Please send your 500-word abstract along with a short biographical note to Sophie Chiari (sophie.chiari_lasserre@uca.fr) and Samuel Cuisinier-Delorme (samuel.cuisinier-delorme@uca.fr) by September 15th, 2018.
Participants will be notified in November 2018.
Scientific Committee:
Pr. Sophie Chiari (Université Clermont Auvergne)
Dr. Samuel Cuisinier-Delorme (Université Clermont Auvergne)
Dr. Amanda Herbert (Assistant Director at the Folger Institute)
Pr. Pierre Lurbe (Sorbonne Université)
Dr. Anne Rouhette (Université Clermont Auvergne)
Pr. Tiffany Stern (Shakespeare Institute)
Dr. Tiffany J. Werth (UC Davis, University of California)