Jeudi 27 et vendredi 28 septembre 2018 Portraits de famille : modèles et représentations de la famille contemporaine nord-américaine Colloque international Université Jean Monnet, Saint-Etienne (CELEC)

 

 

 

Les années 1960-1970 marquent un tournant dans l’évolution de la famille en Amérique du Nord. D’importants changements socioculturels font voler en éclat la répartition différenciée des rôles selon les sexes sur laquelle étaient fondées la famille traditionnelle et, plus largement, l’organisation des sociétés nord-américaines. L’autorisation de la vente de la pilule contraceptive en 1960 par la FDA (Food and Drug Administration) ainsi que la légalisation de l’avortement en 1973 par la Cour suprême (Roe v. Wade) contribuent à affranchir les femmes des impératifs genrés du modèle familial traditionnel. Les années 1970 enregistrent un nombre de femmes sans précédent dans le monde du travail, y compris des mères et des épouses, conséquence de l’affaiblissement du culte de la domesticité et de la nécessité nouvelle du double revenu par foyer qu’impose la crise économique des années 1970. L’ensemble des changements de valeurs, ajouté à la possibilité légale de se soustraire au modèle de la famille traditionnelle (la Californie est le premier Etat à mettre en place une première procédure de divorce sans faute en 1970), conduisent l’institution familiale en Amérique du Nord à connaître de sérieuses mutations.

Les bouleversements des comportements familiaux (le rapport au mariage, la hausse du nombre de divorces et de remariages, la baisse du nombre d’enfants, le recul de l’âge au moment du mariage et du premier enfant) ont façonné le nouveau visage de la famille. Aujourd’hui, les couples mariés avec enfants ne constituent plus la seule norme et ils côtoient d’autres structures familiales, telles que les familles monoparentales, homoparentales, recomposées, celles dans lesquelles les parents ne sont pas mariés, ou encore celles formées de couples qui restent volontairement sans enfant. S’ensuit d’ailleurs une transformation nécessaire du lexique qui accompagne ces nouvelles réalités familiales. On voit entre autres apparaître certains termes tels que « démariage » ou encore « désaffiliation » pour désigner les changements survenus au cours des quarante dernières années.

« Désinstituée » (Marie-Blanche Tahon), la famille contemporaine a également été qualifiée d’« incertaine » (Louis Roussel) ou encore de famille « en désordre » (Elisabeth Roudinesco). La pluralité de ses modalités témoigne du caractère mouvant de celle-ci. Désarticulée, éclatée, la famille est-elle pour autant en danger ? Est-elle mise en échec par l’ébranlement des modèles traditionnels ? Nombreux sont les observateurs qui dressent un portrait alarmiste de la famille. Pour Ron Haskins et Isabel V. Sawhill, la famille américaine est « sur le déclin », pour le sociologue John F. Conway, la famille canadienne est « en crise », quant aux médias, ils sont nombreux à évoquer la « mort des familles traditionnelles en Amérique » (The Atlantic) voire à comparer la famille américaine à « une espèce en voie de disparition » (CNSNews). Pourtant, interrogés en 2010 dans le cadre du World Value Survey, 98,2% d’Américains déclarent que la famille est « importante » ou « très importante » dans leur existence. Sur les réseaux sociaux, les hashtags autour de la famille sont d’ailleurs légion (on recense plus de 250 millions d’occurrences du hashtag #family). Cet écart entre l’attachement profond à la famille, réelle ou fantasmée, et la mise en garde contre une soi-disant crise de cette dernière est au cœur des interrogations soulevées par ce colloque.

L’idéal familial semble effectivement résister aux bouleversements sociodémographiques et demeure vivace dans l’imaginaire collectif nord-américain. En témoigne notamment l’extraordinaire production de fictions autobiographiques ou familiales dans la littérature contemporaine. La famille a en effet souvent inspiré les écrivains nord-américains car à bien des égards, elle cristallise les angoisses d’une littérature relativement récente qui n’a jamais cessé de s’interroger sur l’origine et la filiation. Siège de souffrances, de malheurs et de névroses, la famille est devenue plus que jamais, au tournant du siècle, une obsession pour de nombreux écrivains. Les familles Lambert (Jonathan Franzen), Lisbon (Jeffrey Eugenides), Raitliffe (Rick Moody) ou encore Schell (Jonathan Safran Foer) ont succédé aux Angstrom (John Updike) ou Wapshot (John Cheever) ; autant de familles où continuent de se loger frustrations, secrets et traumas. Toutefois, comment expliquer que cette obsession du récit familial perdure et s’amplifie dans la fiction contemporaine ? L’approche d’un nouveau millénaire, puis la catastrophe inaugurale du 11 septembre 2001, semblent avoir invité les auteurs à réinvestir l’espace familial, qu’il soit un lieu d’idéalisation, de spéculation ou d’aliénation. Dans cette tentation du repli sur soi, comment s’établit le lien entre histoire familiale et histoire collective ? Cet empressement à mettre en récit la famille, parfois sa propre famille, est-il la manifestation d’une forme de réclusion, signe d’une réticence à se confronter à l’autre ? Enfin, cet engouement pour la fiction familiale s’accompagne-t-il enfin d’un renouvellement des formes et des pratiques littéraires ? Des questions que l’on pourra aborder par exemple à travers les fictions d’auteurs contemporains tels que Rick Moody, Jeffrey Eugenides, Nicole Krauss, Junot Diaz, Dave Eggers, Donald Antrim ou encore Miriam Toews pour n’en dresser ici qu’une liste non exhaustive.

 

Parmi les pistes de réflexion possibles, on pourra envisager par exemple des communications portant sur :

 

– la famille dans le roman, la poésie ou le théâtre contemporains (autobiographies fictives, autofictions, récits familiaux et leurs diverses modalités d’écriture)

– la famille et ses mutations ; quelles réalités pour ces nouvelles familles et les individus qui la composent ?

– représentations des identités et rôles familiaux

–  religion, classe, ethnicité, territoires : représentations et stéréotypes

– la mise en scène de la famille sur la scène politique et publique

– la famille à l’écran : au cinéma, dans les séries télévisées (« Modern Family », « Brothers and Sisters » etc.) ou dans les télé-réalités (« Keeping up with the Kardashians », « Hogan knows best » etc.)

– scénographie de la vie familiale dans la photographie et dans l’art

– identité familiale numérique et glamourisation de la famille sur les réseaux sociaux (Instagram, family vlogs, blogs parentaux etc.)

– la famille et ses mots (rhétorique familiale, évolutions terminologiques, créations lexicales etc.)

 

Les communications pourront être en anglais ou en français. Les propositions (autour de 300 mots) accompagnées d’une brève notice biographique devront être envoyées avant le lundi 23 avril aux deux organisatrices :

Sophie Chapuis (sophie.chapuis@univ-st-etienne.fr)

Marie Moreau (marie1.moreau@univ-lyon2.fr)

 

 

 

Family Portraits: Representing the Contemporary North-American Family

 

Thursday 27 and Friday 28 September 2018

International conference

Université Jean Monnet, Saint-Etienne (CELEC)

 

 

The sixties and the seventies marked a turning-point in the evolution of family. Major sociocultural changes undermined certain patterns of gender roles around which traditional families, and the American society at large, were organized. When the Food and Drug Administration approved the first oral contraceptive back in 1960 and the Supreme Court ruled in favor of legal abortion in 1973 (Roe v. Wade), women were given the right to break free from the normative gendered imperatives of the traditional family. Because the cult of domesticity gradually declined, and the crisis imposed the necessity to move from single-income to dual-income families, an unprecedented number of women – wives and mothers included – joined the workforce in the seventies. This shift in social values combined with new legal developments in family law (California for instance adopted the no-fault divorce in 1970) caused a major upheaval in North-American family structures. New behaviors within the family (how couples relate to marriage; the rise of divorces and remarriages; the decrease in the birthrate; the delaying of marriage and parenthood) have delineated new family forms. Today, married couples with children are no longer the norm; they coexist with other family structures such as single-parent, blended, and homoparental families, unmarried parents or childless couples. To adapt to these new realities, a lexical evolution necessarily ensued. Concepts like “living apart together” or “three-parent families” started to spread in order to define new family forms and reflect the changes that have occurred over the past forty years.

Contemporary family was also labeled as “deinstitutionalized” (Andrew Cherlin) or “declining” (David Popenoe). Its plural modalities are evidence of its constantly changing nature. Though broken and splitting apart, is family at threat? Is it doomed to fail because of the erosion of traditional forms? Many observers sound alarmist as to the future of family. According to sociologist John F. Conway, the Canadian family is “in crisis”; as for the media, some predict “The Slow Death of ‘Traditional’ Families in America” (The Atlantic) or go as far as comparing it to “An Endangered and Disappearing Species” (CNSNews). However, in 2010, 98.2% of American respondents told the researchers of the World Value Survey that family was “important” or “very important” in their lives. On social networks, family hashtags have been flourishing (more than 250 million #family). One of the goals of this conference will be to examine and question this gap between a deep attachment to the family unit – whether real or fantasized – and the proclaimed death of family.

The family ideal thus seems to have survived the major sociodemographic transformations and continues to thrive in the North-American imaginary, as contemporary fiction shows through the extraordinary amount of fictional autobiographies and family narratives. Indeed, family has often inspired North-American writers for, in many respects, it has concentrated all the anxieties of a fairly recent literature which has continuously questioned notions of origins and filiation. As a locus of suffering, misfortune, and neurosis, family is more than ever an obsession for contemporary writers. The Lamberts (Jonathan Franzen), the Lisbons (Jeffrey Eugenides), the Raitliffes (Rick Moody) or the Schells (Jonathan Safran Foer) have superseded the Angstroms (John Updike) or the Wapshots (John Cheever) but they remain families riddled with frustrations, secrets and trauma. So, how can we account for the fact that family narratives still endure and have even expanded in contemporary fiction? The approaching new millennium and the inaugural catastrophe of 9/11 that ushered in a new era led writers to turn to the family and portray it as either an idealized unit, a mere invention, or an alienating space. In this temptation to turn inward, how do writers negotiate family history and collective history? Isn’t this eagerness to fictionalize family – sometimes one’s own family – a sign of withdrawal, a reluctance to engage with the other? Does this phenomenon finally come along with a renewal of literary forms and practices? All those questions can be approached through the fiction of contemporary writers like Rick Moody, Jeffrey Eugenides, Nicole Krauss, Junot Diaz, Dave Eggers, Donald Antrim or Miriam Toews to draw up here a non-exhaustive list.

 

We welcome contributions addressing for instance the following topics:

–       Family in contemporary novels, poetry and drama (fictional autobiographies, family narratives, autofictions)

–       Family and its transformations; representation of identity and roles within the family

–       Religion, class, ethnicity, territory: representations and stereotypes

–       Staging the family on the public and political scenes

–       Families on screen: in the movies, in TV shows (“Modern Family”, “Brothers and Sisters” etc.) or in reality shows (“Keeping up with the Kardashians”, “Hogan knows best” etc.)

–       Staging family life in the visual arts

–       Digital family identity et glamorization of family life on social networks (Instagram, family vlogs, parental blogs etc.)

–       Family and words (family rhetoric, terminological evolutions, lexical creations etc.)

 

Papers may be presented either in English or French. Abstracts (around 300 words) along with a short biographical notice should be sent to Marie Moreau (marie1.moreau@univ-lyon2.fr) and Sophie Chapuis (sophie.chapuis@univ-st-etienne.fr) by April 23rd, 2018.

 


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