8-9 juin 2020 Colloque du RUCHE Paris, La nature sous contrat Concessions, histoire et environnement



Appel à communication




*** English version below

Les formes de possessions collectives ou individuelles et les relations qu’elles nouent avec leur environnement ont fortement mobilisé les approches historiques récentes. Puisque l’utilisation des ressources naturelles et la transformation des milieux dépendent grandement des formes de la propriété, les relations entre propriété – sous ses différentes formes –, et environnement suscitent de vifs débats et des recherches fructueuses. Les questions des modalités d’exploitation des ressources naturelles et de l’organisation des acteurs en vue d’éventuels conflits pouvant survenir, d’une part, et la pérennisation de l’exploitation, d’autre part, orientent nombre de recherches. Ces approches mettent en lumière les relations entre formes juridiques de la propriété et conditions de construction de l’environnement.

Parmi les outils juridiques et financiers qui sont à l’interface de l’environnement et de la propriété figure la concession. Cette dernière permet d’historiciser la notion de propriété, dont l’origine a longtemps été une question philosophique, et d’aborder la notion conjointe de l’appropriation elle-même. En matière juridique, une concession est, selon l’Académie française, « un contrat par lequel l’administration confie à un particulier […] la gestion d’un service public [et/ou] la réalisation d’un ouvrage public ». La concession a des déclinaisons commerciales, mais elle peut aussi être un transfert de propriété sans enjeu capitalistique. La concession est limitée dans le temps et ses procédures d’attribution sont régulièrement renouvelées. Mais, dans l’usage, la concession désigne la chose sur laquelle s’exerce ce droit. Au cœur du questionnement, la dimension juridique de la concession n’épuise pas le sens du terme : celui qui concède cherche à apaiser un débat ou une contestation et, bien souvent, il répond à une demande. En ce sens, la concession participe d’un objectif politique, elle est ancrée dans un univers social. Elle est aussi un moyen au service d’une stratégie, comme l’occupation territoriale ou l’affirmation de la souveraineté.

Depuis l’apparition du mot au XIIIe siècle, la concession a été un outil régulièrement mobilisé par les pouvoirs notamment dans le cadre de politiques de développements économiques. Bien identifiée dans le domaine minier, mais aussi dans la construction d’infrastructure ou de conquête agricole, la concession a surtout attiré l’attention des historiens de l’économie et des entreprises. Quoique les types de concessions soient diversifiés en fonction des périodes, des secteurs d’application, des systèmes juridiques et des milieux naturels, il s’agit en général d’un outil mis en œuvre par la puissance souveraine pour parer son incapacité à financer une infrastructure ou une exploitation. Les raisons de cette délégation (différente de la « délégation de service public ») mêlent la nécessité de développer des équipements, l’entreprenariat des entreprises, et le défaut de fonds de l’autorité souveraine. Les dispositifs mis en place concourent aux rapports de l’État à ses administrés par les différentes modalités de délégations choisies.

L’approche historique de la concession, surtout envisagée sous l’angle de la politique économique, révèle que la nature et ses ressources se trouvent bien souvent au centre de l’intérêt des délégataires. Dès le Moyen Âge, les mines sont ouvertes sous le régime de la concession. À bien des égards, les franchises de conquêtes agricoles participent également de ce mouvement : les autorités politiques s’en servent pour peupler des terres qui leur échappent largement. Les concessions coloniales ont également de lourdes implications environnementales, à l’image de la sylviculture ou de l’extraction de matières premières, mais aussi sur la biodiversité animale. Le régime concessionnaire accompagne la conversion de la nature ou de l’environnement au service de la production. Agissant comme un puissant levier, il permet de donner de la valeur à un simple potentiel.

L’objectif de ce colloque est d’éclairer historiquement le rôle du régime concessionnaire dans la transformation des milieux et le façonnement de l’environnement. À l’heure où les ressources se réduisent dans un monde avide de consommation, au point que l’on peut parler d’extractivisme ou de prédation, il est important d’interroger l’historicité de ce dispositif qui n’a cessé de se transformer au fil du temps.

Ce colloque qui adopte en priorité une entrée historique est ouvert à toutes les sciences sociales. Il poursuivra plusieurs objectifs :

–       Une mise en contexte de la concession comme mode d’exploitation de l’environnement : elle permettra d’établir des comparaisons tant temporelles que géographiques, dans différents contextes nationaux et coloniaux, où le régime des concessions fut capital.

–       Une analyse de l’outil juridico-économique en tant que tel, de l’effet du discours juridique qui est créé, et du lien que la concession établit dans les structures de l’économie (aliénation du domaine, accumulation du capital, transferts de propriété, monopoles, économie des contrats, rejet des régies) et entre les structures sociales.

–       Une exploration des différentes formes de concession, dont celles qui pourraient avoir été actées par l’usage et sur les types d’espaces régulièrement affectés par le système de la concession conjointement, les périmètres de ces concessions : eau, mines, rivages, terres, forêts, transports, travaux publics et hydrauliques, etc.

–       L’approfondissement de l’histoire du mot, de son étymologie, de ses circulations culturelles, de ses imaginaires, en interrogeant les mythes et les reconstructions historiques qui légitiment la concession, qui en naturalisent le phénomène.

–       Concédant et concessionnaires s’entendent entre eux mais ils suscitent également des résistances, soit sur le plan théorique soit par des riverains exclus de leurs propriétés ou de leurs usages par les concessions. L’étude des concessions invitent ainsi à une étude sociale afin d’identifier les acteurs, leurs rapports et relations.

–       Les conséquences des concessions sur l’environnement, que cela soit la libéralisation vis-à-vis des entraves d’autres formes d’exploitation, ou l’arrivée de financements qui changent l’échelle des exploitations. Surexploitation, durabilité, modification des milieux, pollutions, etc., sont autant de thèmes à explorer. En quoi les concessions ont-elles modifier le rapport des sociétés à l’espace et à l’environnement ?

 

Les langues du colloque seront le français et l’anglais. Les propositions de jeunes chercheurs sont bienvenues. Les frais de mission seront ajustés en fonction du budget. Une publication des actes est envisagée.

Les propositions de communication (titre, résumé de 2000 signes maximum, court CV) devront être envoyées avant le 15 novembre 2019, à Raphaël Morera morera.raphael@gmail.com et Thomas Le Roux, oekoomeo@gmail.com. Une réponse sera donnée le 15 janvier 2020.

 


Nature under contract

Concessions, history and the environment

  
Call for papers

Over the past few years, historians have shown great interest in the forms of collective or individual possessions and the relationships they establish with their environment. Since the use of natural resources and the transformation of environments depend largely on the forms of ownership, the relationship between ownership—in its various forms—and the environment is the subject of intense debates and fruitful research. A large number of research projects are guided by questions such as: how are natural resources exploited and how are historical actors organized so as to avoid or mitigate potential conflicts? What are the best strategies to ensure the long-term exploitation of natural resources?. These approaches all point towards a focal issue: the relationships between the legal forms of ownership and the conditions of environmental construction.

Among the various legal and financial tools that are at the intersection between the environment and property is the concession. The concession allows for the historicization of the notion of ownership, whose origin has long been a philosophical issue, and to address the joint notion of appropriation itself. In legal matters, a concession is, according to the Académie française, “a contract by which the administration entrusts an individual with the management of a public service [and/or] the execution of a public work.” The concession has commercial implications, but it can also be a transfer of ownership without any capital implications. The concession is limited in time and the procedures through which they are granted are regularly renewed. But, in practice, the concession refers to the resource, the site or the territory over which this right is exercised. At the heart of this ongoing effort to historicize concession is the fact that the legal dimension does not account for the full meaning of the term :the conceding party seeks to appease a debate or a dispute and, very often, responds to a request. In this sense, the concession is political; it is anchored in a social universe. It is also a means to serve a strategy, such as territorial occupation or the assertion of sovereignty.

Since the word appeared in the 13th century, the concession has been a tool regularly used by the authorities, particularly in the context of economic development policies. Well identified in the mining sector, but also in the construction of infrastructures and agricultural expansion, the concession has attracted the attention of economic and business historians. Although concessions vary depending on the period, sector of application, legal system and natural environment concerned, it is generally a tool used by a sovereign power to counter its inability to finance/fund infrastructures or operations. The reasons behind this delegation (which is different from the « public service delegation ») combine the need to develop facilities, corporate entrepreneurship, and the lack of sovereign authority funds. The mechanisms put in place shape the relationship between the state and its citizens through the various forms of delegation chosen.

The historical approach to concessions, especially from the point of view of economic policy, reveals that nature and its resources are often at the centre of the delegates’ interests. From the Middle Ages onwards, mines were exploited under the concession regime. In many respects, franchises for agricultural conquests were also part of this movement: political authorities used them to populate land that was largely beyond their control. Colonial concessions also had major environmental implications, such as silviculture and the extraction of raw materials, but also in matters related to animal biodiversity. The concessionary regime accompanied the commodification of nature. Acting as a powerful lever, it gave monetary value to natural resources.  

The objective of this conference is to shed historical light on the role of the concessionaire regime in transforming and shaping the environment At a time when resources are shrinking in our consumption-driven economies, to the point that scholars talk of extractivism or predation, it is important to historicize this ever-evolving system.  


Although it adopts a historical entry as a priority, the conference is open to all social sciences. Its mains objectives are:

– Contextualise the concession as a mode of exploitation of the environment in order to make both temporal and geographical comparisons, in different national and colonial contexts.

– Analyse the legal-economic tool as such, the legal discourse thus created and its effects, and the link that the concession established in the structures of the economy (alienation of the domain, accumulation of capital, transfers of ownership, monopolies, economics of contracts, rejection of regulators) and between social structures.

– Explore the different forms of concessions, including those that may have been born from use and on the types of areas regularly affected by the joint concession system, the perimeters of these concessions: water, mines, shorelines, land, forests, transport, public and hydraulic works, etc.

– Analyse the history of the word, its etymology, its cultural circulations, its imaginaries, by questioning the historical myths and reconstructions that legitimize the concession and naturalize its existence.

– Analyse forms of resistance to concessions, whether theoretical or by local residents excluded from their properties or uses. We are especially interested in a social history approach of the concession in order to identify historical actors and their relationships.

– The consequences of concessions on the environment, whether it is liberalisation against limits of other forms of exploitation, or new investments that changes the scale of exploitation. Overexploitation, sustainability, environmental change, pollution, etc., are all themes to be explored. How have concessions changed the relationship of societies to space and their environment?

 

The languages of the conference will be French and English. Proposals from young researchers are welcome. Mission expenses will be adjusted according to the budget. The papers may be included in a planned edited volume.

Proposals for papers (title, 300-word summary, 2-page CV) should be sent before 15 November 2019 to Raphaël Morera morera.raphael@gmail.com and Thomas Le Roux, oekoomeo@gmail.com. Decisions will be made by 15 January 2020.  

 

Le RUCHE – Réseau Universitaire de Chercheurs en Histoire Environnementale : https://leruche.hypotheses.org
 

Organisateurs / Organisers : Thomas Le Roux, Raphaël Morera
 

Comité scientifique / Scientific Committee :
Gabrielle Bouleau (IRSTEA)
Corinne Beck (Université de Valenciennes)

Philippe Billet (Université Lyon 3)

Anne Conchon (Université Paris 1)

Jawad Daheur (CNRS, CERCEC)

Stéphane Frioux (Université Lyon 2)

Frédéric Graber (CNRS, CRH)

Liliane Hilaire-Perez (Université Paris 7 – EHESS)

Alice Ingold (EHESS)

François Jarrige (Université de Bourgogne)

Thomas Le Roux (CNRS, CRH)

Raphaël Morera (CNRS, CRH)

Giacomo Parrinello (Science Po Paris)

Antonin Pottier (EHESS)

Judith Rainhorn (Université Paris 1)

Magali Reghezza (ENS Ulm)

Tim Soens (Université d’Anvers)

Catherine Verna (Université Paris 8)


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