16-18 octobre 2018 « Chanter les poètes » « Création culturelle et territoires » (ILCEA4) En collaboration avec la Maison de la Création Université Grenoble Alpes – UGA

 

« Les musiciens qui ne comprennent rien aux vers

ne devraient pas mettre en musique. »  Claude Debussy

« Défense de déposer de la musique le long de ces vers » Victor Hugo

 

 

Alors que Dante affirmait encore au début du XIVe siècle, dans une sorte de filiation revendiquée avec la lyre des Muses ou d’Orphée, que « toutes paroles mises en vers [sont] chansons », et que troubadours et trouvères créaient au Moyen Age à la fois les poèmes et les musiques qui les accompagnaient, à la fin du Moyen Age et dès le XVIe siècle musique et poésie se dissocient. Le poème est alors considéré comme ayant une musique qui lui est propre. Tandis que la modernité a consacré le poème à lire silencieusement et que la chanson s’est constituée comme un art autonome, on assiste au XXe siècle à un regain d’intérêt pour la poésie, et le texte écrit pour la page devient texte de chanson. S’adressant à un public bien plus large que le genre défini au XIXe siècle de la « mélodie » (Kunstlied, Art Song), genre dont l’existence est constatable dès la Renaissance, des chanteurs « populaires » se tournent eux aussi vers une poésie qui n’était pas destinée à être chantée en public et transforment ainsi les vers des poètes en « paroles » de chanson. Ce phénomène s’amplifie et se constate dans toutes les aires linguistiques et culturelles au cours des XXe et XXIe siècles : en France les poésies d’Aragon sont adaptées par Léo Ferré, Jean Ferrat, et Brassens, en Espagne Miguel Hernández est mis en musique par Enrique Morente ou Carmen Linares, aux États-Unis Jim Morrison ou Bob Dylan chantent les poèmes de William Blake , en Grande-Bretagne des groupes aussi différents, dans leurs styles musicaux, qu’Iron Maiden (heavy metal) ou les Tiger Lillies, entité musicale dont l’hybridité, toute brechtienne, de leurs productions mêle le cabaret et le music hall anglais à d’autres formes de burlesque, mettent en chanson « The Rime of the Ancient Mariner » (1797-99) de Samuel Taylor Coleridge. Nous pensons également à ce que Pete Doherty doit à des poètes comme Oscar Wilde, Baudelaire ou Blake – le titre « Albion » dans son album, Down in Albion est un hommage explicite au poète. Nous pourrions également mentionné l’autre groupe punk rock britannique de Pete Doherty, The Libertines, dont l’album de 2015, Anthem for Doomed Youth reprend le titre du poème datant de 1917 de Wilfrid Owen sur les horreurs de la guerre. Plus globalement en France, on assiste à d’improbables rencontres entre Jean-Louis Murat et Antoinette Deshoulières, Pascal Obispo et Marceline Desbordes-Valmore, Jean-Louis Aubert et Michel Houellebecq, ou encore Carla Bruni et la poésie anglo-saxonne des XIXe et XXe siècles (W.B. Yeats, E. Dickinson, W.H. Auden, Dorothy Parker) dans son album, No Promises.

L’adaptation de poésies devient ainsi une catégorie de la chanson populaire, se distinguant de productions moins attentives à la qualité du texte. Ce sont ces phénomènes d’appropriation, d’interprétation (au sens propre) et de  réinterprétation que nous voudrions étudier dans le cadre de ce colloque international « Chanter les poètes »  qui permettra d’abord d’apporter un éclairage sur la constitution d’un « canon » : quels sont les poètes mis en chanson et comment s’opère le choix ? On s’interrogera aussi sur les modalités particulières de « mise en musique » de la poésie, sur la figure du chanteur comme « passeur », sur les phénomènes d’appropriation  et de réécriture (Aragon définissait la mise en musique comme « une forme supérieure de la critique poétique, une critique créatrice, qui recrée le poème, qui choisit et donne à un vers une importance une valeur qu’il n’avait pas, le répète, en fait un refrain… »), sur les modifications introduites par la musique et la voix sur la perception du texte, voire sur le texte lui-même par l’adaptation, sur les liens privilégiés entre poésie savante et chanson populaire en fonction de la période abordée — Antiquité, Moyen Age Renaissance, époque moderne époque contemporaine— et de l’aire géographique (Europe, Afrique , Amérique, Asie, Australie). Il sera aussi possible de s’intéresser à des textes de chansons visant une grande qualité poétique : les auteurs-compositeurs-interprètes  ne sont-ils pas des poètes à part entière, l’attribution en 2016 du Prix Nobel de littérature à Bob Dylan ne consacre-t-elle pas la valeur poétique du genre?

Ce colloque, à vocation pluridisciplinaire et transnationale, sera l’occasion d’un dialogue entre différentes approches (littéraire, musicologique, historique, sociologique, philosophique, artistique).  Les exposés et les textes pourront être formulés en français ou en anglais.

Comité scientifique :

Samuel Baudry (Université Lyon Lumière)

Laurent Folliot (Université Paris-Sorbonne)

Jean-Marie Fournier (Université Paris- Diderot)

Isabelle Krzywkowski (Université Grenoble Alpes)

Laurie-Anne Laget (Université Paris-Sorbonne)

Meiko O’Halloran (Newcastle University)

Juan Montero (Universidad de Sevilla)

Ursula Moser (Universität Innsbruck)

Fiona Stafford (Oxford University)

 

Date limite de réception des projets : 30 mai 2018 avec décision et programme définitif en juillet 2018. Les actes de ce colloque international seront publiés dans la revue ILCEA http://journals.openedition.org/ilcea/. Les participants devront remettre leur texte définitif le 1er décembre 2019.

Merci d’envoyer votre proposition aux deux adresses suivantes en précisant impérativement le titre de votre présentation, et en joignant une courte notice bio-bibliographique pour vous présenter :

anne.cayuela@univ-grenoble-alpes.fr

caroline.bertoneche@univ-grenoble-alpes.fr

 


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